← Car ce n'était pas la beauté intrinsèque des choses qui me rendait miraculeux d'être dans le cabinet de Swann, c'était l'adhérence à ces choses—qui eussent pu être les plus laides du monde—du sentiment particulier, triste et voluptueux que j'y localisais depuis tant d'années et qui l'imprégnait encore; de même la multitude des miroirs, des brosses d'argent, des autels à saint Antoine de Padoue sculptés et peints par les plus grands artistes, ses amis, n'étaient pour rien dans le sentiment de mon indignité et de sa bienveillance royale qui m'était inspiré quand Mme Swann me recevait un moment dans sa chambre où trois belles et imposantes créatures, sa première, sa deuxième et sa troisième femmes de chambre préparaient en souriant des toilettes merveilleuses, et vers laquelle sur l'ordre proféré par le valet de pied en culotte courte que madame désirait me dire un mot, je me dirigeais par le sentier sinueux d'un couloir tout embaumé à distance des essences précieuses qui exhalaient sans cesse du cabinet de toilette leurs effluves odoriférants. 🔊✎
← D'ailleurs à tout moment, reconnue au fond de la transparence liquide et du vernis lumineux de l'ombre que versait sur elle son ombrelle, Mme Swann était saluée par les derniers cavaliers attardés, comme cinématographiés au galop sur l'ensoleillement blanc de l'avenue, hommes de cercle dont les noms, célèbres pour le public—Antoine de Castellane, Adalbert de Montmorency et tant d'autres—étaient pour Mme Swann des noms familiers d'amis. 🔊✎