← On les voit, elles lui tordent la bouche. Regardez un jour le sourcil circonflexe qu'il a quand il rentre, pour voir qui il y a chez lui.» La malveillance avec laquelle Bergotte parlait ainsi à un étranger d'amis chez qui il était reçu depuis si longtemps était aussi nouvelle pour moi que le ton presque tendre que chez les Swann il prenait à tous moments avec eux. 🔊✎
← Un des effets de cette indulgence est d'aggraver la tendance qu'à partir d'un certain âge on a à trouver agréables les paroles qui sont un hommage à notre propre tour d'esprit, à nos penchants, un encouragement à nous y livrer; cet âge-là est celui où un grand artiste préfère à la société de génies originaux celle d'élèves qui n'ont en commun avec lui que la lettre de sa doctrine et par qui il est encensé, écouté; où un homme ou une femme remarquables qui vivent pour un amour trouveront la plus intelligente dans une réunion la personne peut-être inférieure, mais dont une phrase aura montré qu'elle sait comprendre et approuver ce qu'est une existence vouée à la galanterie, et aura ainsi chatouillé agréablement la tendance voluptueuse de l'amant ou de la maîtresse; c'était l'âge aussi où Swann, en tant qu'il était devenu le mari d'Odette, se plaisait à entendre dire à Mme Bontemps que c'est ridicule de ne recevoir que des duchesses (concluant de là, au contraire de ce qu'il eût fait jadis chez les Verdurin, que c'était une bonne femme, très spirituelle et qui n'était pas snob) et à lui raconter des histoires qui la faisaient «tordre», parce qu'elle ne les connaissait pas et que d'ailleurs elle «saisissait» vite, aimant à flatter et à s'amuser. 🔊✎
← Il se tordit de rire: «Tous mes compliments, j'aurais dû le deviner, il a un excellent chic, et une impayable bobine de gaga de la plus haute lignée.—Vous vous trompez du tout au tout, il est très intelligent, riposta Saint-Loup furieux.—Je le regrette car alors il est moins complet. J'aimerais du reste beaucoup le connaître car je suis sûr que j'écrirais des machines adéquates sur des bonshommes comme ça. Celui-là, à voir passer, est crevant. Mais je négligerais le côté caricatural, au fond assez méprisable pour un artiste épris de la beauté plastique des phrases, de la binette qui, excusez-moi, m'a fait gondoler un bon moment, et je mettrais en relief le côté aristocratique de votre oncle, qui en somme fait un effet boeuf, et la première rigolade passée, frappe par un très grand style. 🔊✎