← Habituellement, quand Eulalie était partie, Françoise prophétisait sans bienveillance sur son compte. Elle la haïssait, mais elle la craignait et se croyait tenue, quand elle était là, à lui faire «bon visage». Elle se rattrapait après son départ, sans la nommer jamais à vrai dire, mais en proférant des oracles sibyllins, des sentences d’un caractère général telles que celles de l’Ecclésiaste, mais dont l’application ne pouvait échapper à ma tante. 🔊✎
← Le sculpteur avait aussi narré certaines anecdotes relatives à Aristote et à Virgile de la même façon que Françoise à la cuisine parlait volontiers de saint Louis comme si elle l’avait personnellement connu, et généralement pour faire honte par la comparaison à mes grands-parents moins «justes». On sentait que les notions que l’artiste médiéval et la paysanne médiévale (survivant au XIXe siècle) avaient de l’histoire ancienne ou chrétienne, et qui se distinguaient par autant d’inexactitude que de bonhomie, ils les tenaient non des livres, mais d’une tradition à la fois antique et directe, ininterrompue, orale, déformée, méconnaissable et vivante. Une autre personnalité de Combray que je reconnaissais aussi, virtuelle et prophétisée, dans la sculpture gothique de Saint-André-des-Champs c’était le jeune Théodore, le garçon de chez Camus. 🔊✎