Théodore, la semaine suivante, en obtint des rendez-vous. 🔊✎
Ils se rencontraient au fond des cours, derrière un mur, sous un arbre isolé. 🔊✎ Elle n'était pas innocente à la manière des demoiselles, — les animaux l'avaient instruite; — mais la raison et l'instinct de l'honneur l'empêchèrent de faillir. 🔊✎ Cette résistance exaspéra l'amour de Théodore, si bien que pour le satisfaire (ou naïvement peut-être) il proposa de l'épouser. 🔊✎ Elle hésitait à le croire. Il fit de grands serments. 🔊✎
Bientôt il avoua quelque chose de fâcheux: ses parents, l'année dernière, lui avaient acheté un homme; mais d'un jour à l'autre on pourrait le reprendre; l'idée de servir l'effrayait. 🔊✎ Cette couardise fut pour Félicité une preuve de tendresse; la sienne en redoubla. 🔊✎ Elle s'échappait la nuit, et, parvenue au rendez-vous, Théodore la torturait avec ses inquiétudes et ses instances. 🔊✎
Enfin, il annonça qu'il irait lui-même à la Préfecture prendre des informations, et les apporterait dimanche prochain, entre onze heures et minuit. 🔊✎
Le moment arrivé, elle courut vers l'amoureux. 🔊✎
A sa place, elle trouva un de ses amis. 🔊✎
Il lui apprit qu'elle ne devait plus le revoir. Pour se garantir de la conscription, Théodore avait épousé une vieille femme très riche, Mme Lehoussais, de Toucques. 🔊✎
Ce fut un chagrin désordonné. 🔊✎ Elle se jeta par terre, poussa des cris, appela le bon Dieu, et gémit toute seule dans la campagne jusqu'au soleil levant. 🔊✎ Puis elle revint à la ferme, déclara son intention d'en partir; et, au bout du mois, ayant reçu ses comptes, elle enferma tout son petit bagage dans un mouchoir, et se rendit à Pont-l'Evêque. 🔊✎
Devant l'auberge, elle questionna une bourgeoise en capeline de veuve, et qui précisément cherchait une cuisinière. 🔊✎ La jeune fille ne savait pas grand'chose, mais paraissait avoir tant de bonne volonté et si peu d'exigences, que Mme Aubain finit par dire: 🔊✎
Félicité, un quart d'heure après, était installée chez elle. 🔊✎