← Le plaisir que j'avais eu à l'entendre exigeait d'autant plus d'être complété qu'il était loin d'égaler celui que je m'étais promis; aussi s'assimilait-il immédiatement tout ce qui était susceptible de le nourrir, par exemple ces mérites que M. de Norpois avait reconnus à la Berma et que mon esprit avait bus d'un seul trait comme un pré trop sec sur qui on verse de l'eau. 🔊✎
← Il faut chercher à nourrir, à faire croître ces pensées, cependant que décline le sentiment qui n'est plus qu'un souvenir, de façon que les éléments nouveaux introduits dans l'esprit, lui disputent, lui arrachent une part de plus en plus grande de l'âme, et finalement la lui dérobent toute. 🔊✎
← A Balbec un lit nouveau à côté duquel on m'apportait le matin un petit déjeuner différent de celui de Paris ne devait plus soutenir les pensées dont s'était nourri mon amour pour Gilberte: il y a des cas (assez rares, il est vrai) où la sédentarité immobilisant les jours, le meilleur moyen de gagner du temps, c'est de changer de place. 🔊✎
← Je peux dire que, quand je sus bien qui avait été son père, les jours où je venais de lire des mémoires tout nourris d'anecdotes sur ce fameux comte de Marsantes en qui se résume l'élégance si spéciale d'une époque déjà lointaine, l'esprit empli de rêveries, désireux d'avoir des précisions sur la vie qu'avait menée M. de Marsantes, j'enrageais que Robert de Saint-Loup au lieu de se contenter d'être le fils de son père, au lieu d'être capable de me guider dans le roman démodé qu'avait été l'existence de celui-ci, se fût élevé jusqu'à l'amour de Nietzsche et de Proudhon. 🔊✎