← En attendant Gilberte me faisait «mon thé». 🔊✎
← Aussi ma mère avait-elle l'habitude de dire: «C'est ennuyeux, cet enfant ne peut aller chez les Swann sans rentrer malade.» Mais savais-je seulement quand j'étais chez les Swann que c'était du thé que je buvais? 🔊✎
← Mais venez-donc un de ces jours, me disait-elle, prendre votre thé avec Gilberte, elle vous le fera comme vous l'aimez, comme vous le prenez dans votre petit «studio», ajoutait-elle, tout en s'enfuyant vers ses visites et comme si ç'avait été quelque chose d'aussi connu de moi que mes habitudes (fût-ce celle que j'aurais eue de prendre le thé, si j'en avais jamais pris; quand à un «studio» j'étais incertain si j'en avais un ou non) que j'étais venu chercher dans ce monde mystérieux. 🔊✎
← Or tout le monde savait l'anglais, moi seul je ne l'avais pas encore appris et étais obligé de le dire à Mme Swann pour qu'elle cessât de faire sur les personnes qui buvaient le thé ou sur celles qui l'apportaient, des réflexions que je devinais désobligeantes sans que j'en comprisse, ni que l'individu visé en perdît un seul mot. 🔊✎
← Mais je n'osais pas le faire pour deux raisons. La première est que chez Gilberte, on ne servait jamais que du thé. A la maison au contraire, maman tenait à ce qu'à côté du thé il y eût du chocolat. 🔊✎
← Mme Swann tenait beaucoup à ce «thé»; elle croyait montrer de l'originalité et dégager du charme en disant à un homme: «Vous me trouverez tous les jours un peu tard, venez prendre le thé», de sorte qu'elle accompagnait d'un sourire fin et doux ces mots prononcés par elle avec un accent anglais momentané et desquels son interlocuteur prenait bonne note en saluant d'un air grave, comme s'ils avaient été quelque chose d'important et de singulier qui commandât la déférence et exigeât de l'attention. 🔊✎
← Dès la fin d'octobre Odette rentrait le plus régulièrement qu'elle pouvait pour le thé, qu'on appelait encore dans ce temps-là le «five o'clock tea», ayant entendu dire (et aimant à répéter) que si Mme Verdurin s'était fait un salon c'était parce qu'on était toujours sûr de pouvoir la rencontrer chez elle à la même heure. 🔊✎
← Elle laissait les domestiques emporter le thé comme elle aurait annoncé: «On ferme!» Et elle finissait par me dire: «Alors, vraiment, vous partez? Hé bien, good bye!» Je sentais que j'aurais pu rester sans rencontrer ces plaisirs inconnus et que ma tristesse n'était pas seule à m'avoir privé d'eux. 🔊✎
← Si, au moment de quitter Mme Swann quand son «thé» finissait, je pensais à ce que j'allais écrire à sa fille, Mme Cottard elle, en s'en allant, avait eu des pensées d'un caractère tout différent. 🔊✎
← Au moment où ma grand'mère disait au revoir à Mme de Villeparisis et Saint-Loup à ma grand'mère, M. de Charlus qui jusque-là ne m'avait pas adressé la parole, fit quelques pas en arrière et arrivé à côté de moi: «Je prendrai le thé ce soir après dîner dans l'appartement de ma tante Villeparisis, me dit-il. J'espère que vous me ferez le plaisir de venir avec Madame votre grand'mère.» Et il rejoignit la marquise. 🔊✎