← Quand, après le déjeuner, nous allions, au soleil, prendre le café, dans la grande baie du salon, tandis que Mme Swann me demandait combien je voulais de morceaux de sucre dans mon café, ce n'était pas seulement le tabouret de soie qu'elle poussait vers moi qui dégageait avec le charme douloureux que j'avais perçu autrefois—sous l'épine rose, puis à côté du massif de lauriers—dans le nom de Gilberte, l'hostilité que m'avaient témoignée ses parents et que ce petit meuble semblait avoir si bien sue et partagée que je ne me sentais pas digne, et que je me trouvais un peu lâche d'imposer mes pieds à son capitonnage sans défense; une âme personnelle le reliait secrètement à la lumière de deux heures de l'après-midi, différente de ce qu'elle était partout ailleurs dans le golfe où elle faisait jouer à nos pieds ses flots d'or parmi lesquels les canapés bleuâtres et les vaporeuses tapisseries émergeaient comme des îles enchantées; et il n'était pas jusqu'au tableau de Rubens accroché au-dessus de la cheminée qui ne possédât lui aussi le même genre et presque la même puissance de charme que les bottines à lacets de M. Swann et ce manteau à pèlerine dont j'avais tant désiré porter le pareil et que maintenant Odette demandait à son mari de remplacer par un autre, pour être plus élégant, quand je leur faisais l'honneur de sortir avec eux. 🔊✎
← —Vous n'allez pas me faire d'observations, j'espère, me cria-t-elle, d'une voix dure et en se dégageant vivement. 🔊✎
← Aussi—de même que la diction de Bergotte eût sans doute charmé si lui-même n'avait été que quelque amateur récitant du prétendu Bergotte, au lieu qu'elle était liée à la pensée de Bergotte en travail et en action par des rapports vitaux que l'oreille ne dégageait pas immédiatement—de même c'était parce que Bergotte appliquait cette pensée avec précision à la réalité qui lui plaisait que son langage avait quelque chose de positif, de trop nourrissant, qui décevait ceux qui s'attendaient à l'entendre parler seulement de «l'éternel torrent des apparences» et des «mystérieux frissons de la beauté». 🔊✎
← Mme Swann tenait beaucoup à ce «thé»; elle croyait montrer de l'originalité et dégager du charme en disant à un homme: «Vous me trouverez tous les jours un peu tard, venez prendre le thé», de sorte qu'elle accompagnait d'un sourire fin et doux ces mots prononcés par elle avec un accent anglais momentané et desquels son interlocuteur prenait bonne note en saluant d'un air grave, comme s'ils avaient été quelque chose d'important et de singulier qui commandât la déférence et exigeât de l'attention. 🔊✎
← Quand je subissais le charme d'un visage nouveau, quand c'était à l'aide d'une autre jeune fille que j'espérais connaître les cathédrales gothiques, les palais et les jardins de l'Italie, je me disais tristement que notre amour, en tant qu'il est l'amour d'une certaine créature, n'est peut-être pas quelque chose de bien réel, puisque, si des associations de rêveries agréables ou douloureuses peuvent le lier pendant quelque temps à une femme jusqu'à nous faire penser qu'il a été inspiré par elle d'une façon nécessaire, en revanche si nous nous dégageons volontairement ou à notre insu de ces associations, cet amour comme s'il était au contraire spontané et venait de nous seuls, renaît pour se donner à une autre femme. 🔊✎
← Une après-midi de grande chaleur j'étais dans la salle à manger de l'hôtel qu'on avait laissée à demi dans l'obscurité pour la protéger du soleil en tirant des rideaux qu'il jaunissait et qui par leurs interstices laissaient clignoter le bleu de la mer, quand, dans la travée centrale qui allait de la plage à la route, je vis, grand, mince, le cou dégagé, la tête haute et fièrement portée, passer un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s'ils avaient absorbé tous les rayons du soleil. 🔊✎
← Quelque chose qu'il désirait par exemple et sur quoi il n'avait pas compté, ne fût-ce qu'un compliment, faisait se dégager en lui un plaisir si brusque, si brûlant, si volatile, si expansif, qu'il lui était impossible de le contenir et de le cacher; une grimace de plaisir s'emparait irrésistiblement de son visage; la peau trop fine de ses joues laissait transparaître une vive rougeur, ses yeux reflétaient la confusion et la joie; et ma grand'mère était infiniment sensible à cette gracieuse apparence de franchise et d'innocence, laquelle d'ailleurs chez Saint-Loup, au moins à l'époque où je me liai avec lui, ne trompait pas. 🔊✎
← D'abord cet être particulier, le jockey, sur lequel tant de regards sont fixés, et qui devant le paddock est là morne, grisâtre dans sa casaque éclatante, ne faisant qu'un avec le cheval caracolant qu'il ressaisit, comme ce serait intéressant de dégager ses mouvements professionnels, de montrer la tache brillante qu'il fait et que fait aussi la robe des chevaux, sur le champ de courses. 🔊✎
← Je ne lui dirai pas non plus la raison.» Je voyais de côté les joues d'Albertine qui souvent paraissaient pâles, mais ainsi, étaient arrosées d'un sang clair qui les illuminait, leur donnait ce brillant qu'ont certaines matinées d'hiver où les pierres partiellement ensoleillées semblent être du granit rose et dégagent de la joie. 🔊✎
← Je trouvai Albertine dans son lit. Dégageant son cou, sa chemise blanche changeait les proportions de son visage, qui, congestionné par le lit, ou le rhume, ou le dîner, semblait plus rose; je pensai aux couleurs que j'avais eues quelques heures auparavant à côté de moi, sur la digue, et desquelles j'allais enfin savoir le goût; sa joue était traversée du haut en bas par une de ses longues tresses noires et bouclées que pour me plaire elle avait défaites entièrement. 🔊✎