← Le calme qui résultait de mes angoisses finies me mettait dans un allégresse extraordinaire, non moins que l’attente, la soif et la peur du danger. 🔊✎
← Mais j’avais beau rester devant les aubépines à respirer, à porter devant ma pensée qui ne savait ce qu’elle devait en faire, à perdre, à retrouver leur invisible et fixe odeur, à m’unir au rythme qui jetait leurs fleurs, ici et là, avec une allégresse juvénile et à des intervalles inattendus comme certains intervalles musicaux, elles m’offraient indéfiniment le même charme avec une profusion inépuisable, mais sans me laisser approfondir davantage, comme ces mélodies qu’on rejoue cent fois de suite sans descendre plus avant dans leur secret. 🔊✎
← Après une heure de pluie et de vent contre lesquels j’avais lutté avec allégresse, comme j’arrivais au bord de la mare de Montjouvain devant une petite cahute recouverte en tuiles où le jardinier de M. Vinteuil serrait ses instruments de jardinage, le soleil venait de reparaître, et ses dorures lavées par l’averse reluisaient à neuf dans le ciel, sur les arbres, sur le mur de la cahute, sur son toit de tuile encore mouillé, à la crête duquel se promenait une poule. 🔊✎
← Je fixais indéfiniment le tronc d’un arbre lointain, de derrière lequel elle allait surgir et venir à moi; l’horizon scruté restait désert, la nuit tombait, c’était sans espoir que mon attention s’attachait, comme pour aspirer les créatures qu’ils pouvaient recéler, à ce sol stérile, à cette terre épuisée; et ce n’était plus d’allégresse, c’était de rage que je frappais les arbres du bois de Roussainville d’entre lesquels ne sortait pas plus d’êtres vivants que s’ils eussent été des arbres peints sur la toile d’un panorama, quand, ne pouvant me résigner à rentrer à la maison avant d’avoir serré dans mes bras la femme que j’avais tant désirée, j’étais pourtant obligé de reprendre le chemin de Combray en m’avouant à moi-même qu’était de moins en moins probable le hasard qui l’eût mise sur mon chemin. 🔊✎