← Il se plaignait en ronchonnant que je n’étais pas venu depuis longtemps, qu’on l’abandonnait; il m’offrait un massepain ou une mandarine, nous traversions un salon dans lequel on ne s’arrêtait jamais, où on ne faisait jamais de feu, dont les murs étaient ornés de moulures dorées, les plafonds peints d’un bleu qui prétendait imiter le ciel et les meubles capitonnés en satin comme chez mes grands-parents, mais jaune; puis nous passions dans ce qu’il appelait son cabinet de «travail» aux murs duquel étaient accrochées de ces gravures représentant sur fond noir une déesse charnue et rose conduisant un char, montée sur un globe, ou une étoile au front, qu’on aimait sous le second Empire parce qu’on leur trouvait un air pompéien, puis qu’on détesta, et qu’on recommence à aimer pour une seule et même raison, malgré les autres qu’on donne et qui est qu’elles ont l’air second Empire. 🔊✎
← Si ce n’est une de ces œuvres étranges comme le Testament de César Girodot et Œdipe-Roi lesquelles s’inscrivaient, non sur l’affiche verte de l’Opéra-Comique, mais sur l’affiche lie de vin de la Comédie-Française, rien ne me paraissait plus différent de l’aigrette étincelante et blanche des Diamants de la Couronne que le satin lisse et mystérieux du Domino Noir, et, mes parents m’ayant dit que quand j’irais pour la première fois au théâtre j’aurais à choisir entre ces deux pièces, cherchant à approfondir successivement le titre de l’une et le titre de l’autre, puisque c’était tout ce que je connaissais d’elles, pour tâcher de saisir en chacun le plaisir qu’il me promettait et de le comparer à celui que recélait l’autre, j’arrivais à me représenter avec tant de force, d’une part une pièce éblouissante et fière, de l’autre une pièce douce et veloutée, que j’étais aussi incapable de décider laquelle aurait ma préférence, que si, pour le dessert, on m’avait donné à opter encore du riz à l’Impératrice et de la crème au chocolat. 🔊✎
← A intervalles symétriques, au milieu de l’inimitable ornementation de leurs feuilles qu’on ne peut confondre avec la feuille d’aucun autre arbre fruitier, les pommiers ouvraient leurs larges pétales de satin blanc ou suspendaient les timides bouquets de leurs rougissants boutons. 🔊✎