vin

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Certes ces récits faisaient rire ma grand’tante, mais sans qu’elle distinguât bien si c’était à cause du rôle ridicule que s’y donnait toujours Swann ou de l’esprit qu’il mettait à les conter: «On peut dire que vous êtes un vrai type, monsieur SwannComme elle était la seule personne un peu vulgaire de notre famille, elle avait soin de faire remarquer aux étrangers, quand on parlait de Swann, qu’il aurait pu, s’il avait voulu, habiter boulevard Haussmann ou avenue de l’Opéra, qu’il était le fils de M. Swann qui avait lui laisser quatre ou cinq millions, mais que c’était sa fantaisie. Fantaisie qu’elle jugeait du reste devoir être si divertissante pour les autres, qu’à Paris, quand M. Swann venait le 1er janvier lui apporter son sac de marrons glacés, elle ne manquait pas, s’il y avait du monde, de lui dire: «Eh bien! M. Swann, vous habitez toujours près de l’Entrepôt des vins, pour être sûr de ne pas manquer le train quand vous prenez le chemin de LyonEt elle regardait du coin de l’œil, par-dessus son lorgnon, les autres visiteurs. 🔊

Elles furent plus intéressées quand la veille du jour Swann devait venir dîner, et leur avait personnellement envoyé une caisse de vin d’Asti, ma tante, tenant un numéro du Figaro à côté du nom d’un tableau qui était à une Exposition de Corot, il y avait ces mots: «de la collection de M. Charles Swann», nous dit: «Vous avez vu que Swann a «les honneurs» du Figaro?»—«Mais je vous ai toujours dit qu’il avait beaucoup de goût», dit ma grand’mère. « 🔊

Pensez à le remercier intelligiblement de son vin, vous savez qu’il est délicieux et la caisse est énorme, recommanda mon grand-père à ses deux belles-sœurs.» «Ne commencez pas à chuchoter, dit ma grand’tante. Comme c’est confortable d’arriver dans une maison tout le monde parle bas.» «Ah! voilà M. Swann. Nous allons lui demander s’il croit qu’il fera beau demain», dit mon père. 🔊

En même temps ma tante Flora qui avait compris que cette phrase était le remerciement de Céline pour le vin d’Asti, regardait également Swann avec un air mêlé de congratulation et d’ironie, soit simplement pour souligner le trait d’esprit de sa sœur, soit qu’elle enviât Swann de l’avoir inspiré, soit qu’elle ne pût s’empêcher de se moquer de lui parce qu’elle le croyait sur la sellette. « 🔊

Comme cela la juste proportion serait rétablieMais regrettant de s’être laissé aller à parler même légèrement de choses sérieuses: «Nous avons une bien belle conversation, dit-il ironiquement, je ne sais pas pourquoi nous abordons ces «sommets», et se tournant vers mon grand-père: «Donc Saint-Simon raconte que Maulevrier avait eu l’audace de tendre la main à ses fils. Vous savez, c’est ce Maulevrier dont il dit: «Jamais je ne vis dans cette épaisse bouteille que de l’humeur, de la grossièreté et des sottises.» «Épaisses ou non, je connais des bouteilles il y a tout autre chose», dit vivement Flora, qui tenait à avoir remercié Swann elle aussi, car le présent de vin d’Asti s’adressait aux deux. 🔊

Mais toi tu as été très bien aussi.» «Oui j’étais assez fière de ma phrase sur les voisins aimables.» «Comment, c’est cela que vous appelez remercier! s’écria mon grand-père. J’ai bien entendu cela, mais du diable si j’ai cru que c’était pour Swann. Vous pouvez être sûres qu’il n’a rien compris.» «Mais voyons, Swann n’est pas bête, je suis certaine qu’il a apprécié. Je ne pouvais cependant pas lui dire le nombre de bouteilles et le prix du vinMon père et ma mère restèrent seuls, et s’assirent un instant; puis mon père dit: « bien! si tu veux, nous allons monter nous coucher.» «Si tu veux, mon ami, bien que je n’aie pas l’ombre de sommeil; ce n’est pas cette glace au café si anodine qui a pu pourtant me tenir si éveillée; mais j’aperçois de la lumière dans l’office et puisque la pauvre Françoise m’a attendue, je vais lui demander de dégrafer mon corsage pendant que tu vas te déshabillerEt ma mère ouvrit la porte treillagée du vestibule qui donnait sur l’escalier. 🔊

Si ce n’est une de ces œuvres étranges comme le Testament de César Girodot et Œdipe-Roi lesquelles s’inscrivaient, non sur l’affiche verte de l’Opéra-Comique, mais sur l’affiche lie de vin de la Comédie-Française, rien ne me paraissait plus différent de l’aigrette étincelante et blanche des Diamants de la Couronne que le satin lisse et mystérieux du Domino Noir, et, mes parents m’ayant dit que quand j’irais pour la première fois au théâtre j’aurais à choisir entre ces deux pièces, cherchant à approfondir successivement le titre de l’une et le titre de l’autre, puisque c’était tout ce que je connaissais d’elles, pour tâcher de saisir en chacun le plaisir qu’il me promettait et de le comparer à celui que recélait l’autre, j’arrivais à me représenter avec tant de force, d’une part une pièce éblouissante et fière, de l’autre une pièce douce et veloutée, que j’étais aussi incapable de décider laquelle aurait ma préférence, que si, pour le dessert, on m’avait donné à opter encore du riz à l’Impératrice et de la crème au chocolat. 🔊

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