← «L'Ambassadeur, lui dit ma mère, assure que nulle part on ne mange de boeuf froid et de soufflés comme les vôtres.» Françoise avec un air de modestie et de rendre hommage à la vérité, l'accorda, sans être, d'ailleurs, impressionnée par le titre d'ambassadeur; elle disait de M. de Norpois, avec l'amabilité due à quelqu'un qui l'avait prise pour un «chef»: «C'est un bon vieux comme moi.» Elle avait bien cherché à l'apercevoir quand il était arrivé, mais sachant que Maman détestait qu'on fût derrière les portes ou aux fenêtres et pensant qu'elle saurait par les autres domestiques ou par les concierges qu'elle avait fait le guet (car Françoise ne voyait partout que «jalousies» et «racontages» qui jouaient dans son imagination le même rôle permanent et funeste que, pour telles autres personnes, les intrigues des jésuites ou des juifs), elle s'était contentée de regarder par la croisée de la cuisine, «pour ne pas avoir des raisons avec Madame» et sur l'aspect sommaire de M. de Norpois, elle avait «cru voir Monsieur Legrand», à cause de son agileté, et bien qu'il n'y eût pas un trait commun entre eux. 🔊✎
← Je n'avais pas encore fait ma première communion, que des dames bien pensantes avaient la stupéfaction de rencontrer en visite une juive élégante. 🔊✎
← Tout ce qui était juif passa en bas, fût-ce la dame élégante, et des nationalistes obscurs montèrent prendre sa place. 🔊✎
← Les juifs ayant à l'étonnement général, montré qu'ils étaient patriotes, auraient gardé leur situation et personne n'aurait plus voulu aller ni même avouer être jamais allé chez le prince autrichien. 🔊✎
← Au moment où j'allai chez Mme Swann, l'affaire Dreyfus n'avait pas encore éclaté, et certains grands juifs étaient fort puissants. Aucun ne l'était plus que sir Rufus Israels dont la femme lady Israels était la tante de Swann. 🔊✎
← Elle m'en vantait surtout une, une dont, avec un sourire plein de promesses (comme si ç'avait été une rareté et un régal), elle disait: «C'est une Juive! Ça ne vous dit rien?» (C'est sans doute à cause de cela qu'elle l'appelait Rachel.) Et avec une exaltation niaise et factice qu'elle espérait être communicative, et qui finissait sur un râle presque de jouissance: «Pensez donc mon petit, une juive, il me semble que ça doit être affolant! 🔊✎
← Or cette colonie juive était plus pittoresque qu'agréable. Il en était de Balbec comme de certains pays, la Russie ou la Roumanie, où les cours de géographie nous enseignent que la population israélite n'y jouit point de la même faveur et n'y est pas parvenue au même degré d'assimilation qu'à Paris par exemple. 🔊✎
← Au fond, c'est un côté assez juif chez moi, ajouta-t-il ironiquement en rétrécissant sa prunelle comme s'il s'agissait de doser au microscope une quantité infinitésimale de «sang juif» et comme aurait pu le dire—mais ne l'eût pas dit—un grand seigneur français qui parmi ses ancêtres tous chrétiens eût pourtant compté Samuel Bernard ou plus anciennement encore la Sainte Vierge de qui prétendent descendre, dit-on, les Lévy—qui reparaît: «J'aime assez, ajouta-t-il, faire ainsi dans mes sentiments la part, assez mince d'ailleurs, qui peut tenir à mes origines juives.» Il prononça cette phrase parce que cela lui paraissait à la fois spirituel et brave de dire la vérité sur sa race, vérité que par la même occasion il s'arrangeait à atténuer singulièrement, comme les avares qui se décident à acquitter leurs dettes mais n'ont le courage d'en payer que la moitié. 🔊✎
← Entre eux les Bloch s'en servaient pour désigner les domestiques et en étaient toujours égayés parce que leur certitude de n'être pas compris ni des chrétiens ni des domestiques eux-mêmes exaltait chez M. Nissim Bernard et M. Bloch leur double particularisme de «maîtres» et de «juifs». 🔊✎
← La façon dont elle prononçait «issraélite» au lieu d'«izraélite» aurait suffi à indiquer, même si on n'avait pas entendu le commencement de la phrase, que ce n'était pas de sentiments de sympathie envers le peuple élu qu'étaient animées ces jeunes bourgeoises, de familles dévotes, et qui devaient croire aisément que les juifs égorgeaient les enfants chrétiens. 🔊✎