← Swann empressé avec ces nouvelles relations et les citant avec fierté, était comme ces grands artistes modestes ou généreux qui, s'ils se mettent à la fin de leur vie à se mêler de cuisine ou de jardinage, étalent une satisfaction naïve des louanges qu'on donne à leurs plats ou à leurs plates-bandes pour lesquels ils n'admettent pas la critique qu'ils acceptent aisément s'il s'agit de leurs chefs-d'oeuvre; ou bien qui, donnant une de leurs toiles pour rien, ne peuvent en revanche sans mauvaise humeur perdre quarante sous aux dominos. 🔊✎
← «Oui, en effet, répondit M. de Norpois en se tournant vers moi et en fixant sur ma modeste personne le regard bleu où flottaient, comme dans leur élément vital, ses grandes facultés de travail et son esprit d'assimilation. 🔊✎
← A ces moments-là son maître d'hôtel m'aurait fait plaisir en me demandant de lui donner ma montre, mon épingle de cravate, mes bottines et de signer un acte qui le reconnaissait pour mon héritier: selon la belle expression populaire dont, comme pour les plus célèbres épopées, on ne connaît pas l'auteur, mais qui comme elles et contrairement à la théorie de Wolf en a eu certainement un (un de ces esprits inventifs et modestes ainsi qu'il s'en rencontre chaque année, lesquels font des trouvailles telles que «mettre un nom sur une figure»; mais leur nom à eux, ils ne le font pas connaître), je ne savais plus ce que je faisais. Tout au plus m'étonnais-je quand la visite se prolongeait, à quel néant de réalisation, à quelle absence de conclusion heureuse, conduisaient ces heures vécues dans la demeure enchantée. 🔊✎
← Mme Cottard toute trouvée pour remplir ce rôle rentrait dans cette catégorie spéciale d'invités que maman qui avait certains côtés de la tournure d'esprit de son père, appelait des: «Etranger, va dire à Sparte!» D'ailleurs—en dehors d'une autre raison qu'on ne sut que bien des années après—Mme Swann en conviant cette amie bienveillante, réservée et modeste, n'avait pas craint d'introduire chez soi, à ses «jours» brillants, un traître ou une concurrente. 🔊✎
← Le jour où le jeune Bergotte put montrer au monde de ses lecteurs le salon de mauvais goût où il avait passé son enfance et les causeries pas très drôles qu'il y tenait avec ses frères, ce jour-là il monta plus haut que les amis de sa famille, plus spirituels et plus distingués: ceux-ci dans leurs belles Rolls-Royce pourraient rentrer chez eux en témoignant un peu de mépris pour la vulgarité des Bergotte; mais lui, de son modeste appareil qui venait enfin de «décoller», il les survolait. 🔊✎
← Comme un coiffeur voyant un officier qu'il sert avec une considération particulière, reconnaître un client qui vient d'entrer et entamer un bout de causette avec lui, se réjouit en comprenant qu'ils sont du même monde et ne peut s'empêcher de sourire en allant chercher le bol de savon, car il sait que dans son établissement, aux besognes vulgaires du simple salon de coiffure, s'ajoutent des plaisirs sociaux, voire aristocratiques, tel Aimé, voyant que Mme de Villeparisis avait retrouvé en nous d'anciennes relations, s'en allait chercher nos rince-bouches avec le même sourire orgueilleusement modeste et savamment discret de maîtresse de maison qui sait se retirer à propos. 🔊✎
← S'il dévisageait les inconnus (et pendant cette courte promenade il lança deux ou trois fois son terrible et profond regard en coup de sonde sur des gens insignifiants et de la plus modeste extraction qui passaient), en revanche, il ne regardait à aucun moment, si j'en jugeais par moi, les personnes qu'il connaissait—comme un policier en mission secrète mais qui tient ses amis en dehors de sa surveillance professionnelle. 🔊✎
← Maintenant, leurs traits charmants n'étaient plus indistincts et mêlés. Je les avais répartis et agglomérés (à défaut du nom de chacune, que j'ignorais) autour de la grande qui avait sauté par dessus le vieux banquier; de la petite qui détachait sur l'horizon de la mer ses joues bouffies et roses, ses yeux verts; de celle au teint bruni, au nez droit, qui tranchait au milieu des autres; d'une autre, au visage blanc comme un oeuf dans lequel un petit nez faisait un arc de cercle comme un bec de poussin, visage comme en ont certains très jeunes gens; d'une autre encore, grande, couverte d'une pèlerine (qui lui donnait un aspect si pauvre et démentait tellement sa tournure élégante que l'explication qui se présentait à l'esprit était que cette jeune fille devait avoir des parents assez brillants et plaçant leur amour-propre assez au-dessus des baigneurs de Balbec et de l'élégance vestimentaire de leurs propres enfants pour qu'il leur fût absolument égal de la laisser se promener sur la digue dans une tenue que de petites gens eussent jugée trop modeste); d'une fille aux yeux brillants, rieurs, aux grosses joues mates, sous un «polo» noir, enfoncé sur sa tête, qui poussait une bicyclette avec un dandinement de hanches si dégingandé, en employant des termes d'argot si voyous et criés si fort, quand je passai auprès d'elle (parmi lesquels je distinguai cependant la phrase fâcheuse de «vivre sa vie») qu'abandonnant l'hypothèse que la pèlerine de sa camarade m'avait fait échafauder, je conclus plutôt que toutes ces filles appartenaient à la population qui fréquente les vélodromes, et devaient être les très jeunes maîtresses de coureurs cyclistes. En tous cas, dans aucune de mes suppositions, ne figurait celle qu'elles eussent pu être vertueuses. 🔊✎
← J'avais cru Elstir modeste mais je compris que je m'étais trompé, en voyant son visage se nuancer de tristesse quand dans une phrase de remerciements je prononçai le mot de gloire. 🔊✎
← C'est justement un sujet que lui avait fait piocher ici sa maîtresse de français.» La lettre de Sophocle à Racine rédigée par Gisèle, commençait ainsi: «Mon cher ami, excusez-moi de vous écrire sans avoir l'honneur d'être personnellement connu de vous, mais votre nouvelle tragédie d'Athalie ne montre-t-elle pas que vous avez parfaitement étudié mes modestes ouvrages? 🔊✎