← Et sa bouche marquée d’un pli amer se ressaisissant plus vite sourit, tandis que le regard restait douloureux, comme celui d’un beau martyr dont le corps est hérissé de flèches: «Non, je ne les connais pas», dit-il, mais au lieu de donner à un renseignement aussi simple, à une réponse aussi peu surprenante le ton naturel et courant qui convenait, il le débita en appuyant sur les mots, en s’inclinant, en saluant de la tête, à la fois avec l’insistance qu’on apporte, pour être cru, à une affirmation invraisemblable,—comme si ce fait qu’il ne connût pas les Guermantes ne pouvait être l’effet que d’un hasard singulier—et aussi avec l’emphase de quelqu’un qui, ne pouvant pas taire une situation qui lui est pénible, préfère la proclamer pour donner aux autres l’idée que l’aveu qu’il fait ne lui cause aucun embarras, est facile, agréable, spontané, que la situation elle-même—l’absence de relations avec les Guermantes,—pourrait bien avoir été non pas subie, mais voulue par lui, résulter de quelque tradition de famille, principe de morale ou vœu mystique lui interdisant nommément la fréquentation des Guermantes. « 🔊✎
← Si alors Françoise remplie comme un poète d’un flot de pensées confuses sur le chagrin, sur les souvenirs de famille, s’excusait de ne pas savoir répondre à mes théories et disait: «Je ne sais pas m’esprimer», je triomphais de cet aveu avec un bon sens ironique et brutal digne du docteur Percepied; et si elle ajoutait: «Elle était tout de même de la parentèse, il reste toujours le respect qu’on doit à la parentèse», je haussais les épaules et je me disais: «Je suis bien bon de discuter avec une illettrée qui fait des cuirs pareils», adoptant ainsi pour juger Françoise le point de vue mesquin d’hommes dont ceux qui les méprisent le plus dans l’impartialité de la méditation, sont fort capables de tenir le rôle quand ils jouent une des scènes vulgaires de la vie. 🔊✎