← On savait quelles avaient été les fréquentations de son père, on savait donc quelles étaient les siennes, avec quelles personnes il était «en situation» de frayer. S’il en connaissait d’autres, c’étaient relations de jeune homme sur lesquelles des amis anciens de sa famille, comme étaient mes parents, fermaient d’autant plus bienveillamment les yeux qu’il continuait, depuis qu’il était orphelin, à venir très fidèlement nous voir; mais il y avait fort à parier que ces gens inconnus de nous qu’il voyait, étaient de ceux qu’il n’aurait pas osé saluer si, étant avec nous, il les avait rencontrés. 🔊✎
← Cependant, nous sortions du porche, nous allions passer à côté de lui, il était trop bien élevé pour détourner la tête, mais il fixa de son regard soudain chargé d’une rêverie profonde un point si éloigné de l’horizon qu’il ne put nous voir et n’eut pas à nous saluer. 🔊✎
← Et sa bouche marquée d’un pli amer se ressaisissant plus vite sourit, tandis que le regard restait douloureux, comme celui d’un beau martyr dont le corps est hérissé de flèches: «Non, je ne les connais pas», dit-il, mais au lieu de donner à un renseignement aussi simple, à une réponse aussi peu surprenante le ton naturel et courant qui convenait, il le débita en appuyant sur les mots, en s’inclinant, en saluant de la tête, à la fois avec l’insistance qu’on apporte, pour être cru, à une affirmation invraisemblable,—comme si ce fait qu’il ne connût pas les Guermantes ne pouvait être l’effet que d’un hasard singulier—et aussi avec l’emphase de quelqu’un qui, ne pouvant pas taire une situation qui lui est pénible, préfère la proclamer pour donner aux autres l’idée que l’aveu qu’il fait ne lui cause aucun embarras, est facile, agréable, spontané, que la situation elle-même—l’absence de relations avec les Guermantes,—pourrait bien avoir été non pas subie, mais voulue par lui, résulter de quelque tradition de famille, principe de morale ou vœu mystique lui interdisant nommément la fréquentation des Guermantes. « 🔊✎
← On était salué par l’armurier, on jetait ses lettres à la boîte, on disait en passant à Théodore, de la part de Françoise, qu’elle n’avait plus d’huile ou de café, et l’on sortait de la ville par le chemin qui passait le long de la barrière blanche du parc de M. Swann. 🔊✎