← Beaucoup de gens sont venus à la rescousse, on me disait que j’avais tort de ne pas aller à Guermantes, que je me donnais l’air d’un malotru, d’un vieil ours. 🔊✎
← —«Là, Françoise, disait ma tante, quand je vous le disais, qu’ils seraient allés du côté de Guermantes! Mon dieu! ils doivent avoir une faim! et votre gigot qui doit être tout desséché après ce qu’il a attendu. Aussi est-ce une heure pour rentrer! comment, vous êtes allés du côté de Guermantes!» 🔊✎
← S’il était assez simple d’aller du côté de Méséglise, c’était une autre affaire d’aller du côté de Guermantes, car la promenade était longue et l’on voulait être sûr du temps qu’il ferait. 🔊✎
← Le plus grand charme du côté de Guermantes, c’est qu’on y avait presque tout le temps à côté de soi le cours de la Vivonne. 🔊✎
← Elle provenait de ce que je n’avais jamais pris garde quand je pensais à Mme de Guermantes, que je me la représentais avec les couleurs d’une tapisserie ou d’un vitrail, dans un autre siècle, d’une autre matière que le reste des personnes vivantes. 🔊✎
← Alors me rappelant ce regard qu’elle avait laissé s’arrêter sur moi, pendant la messe, bleu comme un rayon de soleil qui aurait traversé le vitrail de Gilbert le Mauvais, je me dis: «Mais sans doute elle fait attention à moi.» Je crus que je lui plaisais, qu’elle penserait encore à moi quand elle aurait quitté l’église, qu’à cause de moi elle serait peut-être triste le soir à Guermantes. 🔊✎
← Et aussitôt je l’aimai, car s’il peut quelquefois suffire pour que nous aimions une femme qu’elle nous regarde avec mépris comme j’avais cru qu’avait fait Mlle Swann et que nous pensions qu’elle ne pourra jamais nous appartenir, quelquefois aussi il peut suffire qu’elle nous regarde avec bonté comme faisait Mme de Guermantes et que nous pensions qu’elle pourra nous appartenir. 🔊✎
← Pendant toute la journée, dans ces promenades, j’avais pu rêver au plaisir que ce serait d’être l’ami de la duchesse de Guermantes, de pêcher la truite, de me promener en barque sur la Vivonne, et, avide de bonheur, ne demander en ces moments-là rien d’autre à la vie que de se composer toujours d’une suite d’heureux après-midi. 🔊✎
← Les désirs qui tout à l’heure m’entouraient, d’aller à Guermantes, de voyager, d’être heureux, j’étais maintenant tellement en dehors d’eux que leur accomplissement ne m’eût fait aucun plaisir. 🔊✎
← Mais c’est surtout comme à des gisements profonds de mon sol mental, comme aux terrains résistants sur lesquels je m’appuie encore, que je dois penser au côté de Méséglise et au côté de Guermantes. C’est parce que je croyais aux choses, aux êtres, tandis que je les parcourais, que les choses, les êtres qu’ils m’ont fait connaître, sont les seuls que je prenne encore au sérieux et qui me donnent encore de la joie. 🔊✎