← Et aujourd’hui encore si, dans une grande ville de province ou dans un quartier de Paris que je connais mal, un passant qui m’a «mis dans mon chemin» me montre au loin, comme un point de repère, tel beffroi d’hôpital, tel clocher de couvent levant la pointe de son bonnet ecclésiastique au coin d’une rue que je dois prendre, pour peu que ma mémoire puisse obscurément lui trouver quelque trait de ressemblance avec la figure chère et disparue, le passant, s’il se retourne pour s’assurer que je ne m’égare pas, peut, à son étonnement, m’apercevoir qui, oublieux de la promenade entreprise ou de la course obligée, reste là, devant le clocher, pendant des heures, immobile, essayant de me souvenir, sentant au fond de moi des terres reconquises sur l’oubli qui s’assèchent et se rebâtissent; et sans doute alors, et plus anxieusement que tout à l’heure quand je lui demandais de me renseigner, je cherche encore mon chemin, je tourne une rue...mais...c’est dans mon cœur... 🔊✎
← Mais à peine le jour—et non plus le reflet d’une dernière braise sur une tringle de cuivre que j’avais pris pour lui—traçait-il dans l’obscurité, et comme à la craie, sa première raie blanche et rectificative, que la fenêtre avec ses rideaux, quittait le cadre de la porte où je l’avais située par erreur, tandis que pour lui faire place, le bureau que ma mémoire avait maladroitement installé là se sauvait à toute vitesse, poussant devant lui la cheminée et écartant le mur mitoyen du couloir; une courette régnait à l’endroit où il y a un instant encore s’étendait le cabinet de toilette, et la demeure que j’avais rebâtie dans les ténèbres était allée rejoindre les demeures entrevues dans le tourbillon du réveil, mise en fuite par ce pâle signe qu’avait tracé au-dessus des rideaux le doigt levé du jour. 🔊✎