← Mais dès que j’entendais: «Bathilde, viens donc empêcher ton mari de boire du cognac!» déjà homme par la lâcheté, je faisais ce que nous faisons tous, une fois que nous sommes grands, quand il y a devant nous des souffrances et des injustices: je ne voulais pas les voir; je montais sangloter tout en haut de la maison à côté de la salle d’études, sous les toits, dans une petite pièce sentant l’iris, et que parfumait aussi un cassis sauvage poussé au dehors entre les pierres de la muraille et qui passait une branche de fleurs par la fenêtre entr’ouverte. 🔊✎
← Si la conversation tombait sur les princes de la Maison de France: «des gens que nous ne connaîtrons jamais ni vous ni moi et nous nous en passons, n’est-ce pas», disait ma grand’tante à Swann qui avait peut-être dans sa poche une lettre de Twickenham; elle lui faisait pousser le piano et tourner les pages les soirs où la sœur de ma grand’mère chantait, ayant pour manier cet être ailleurs si recherché, la naïve brusquerie d’un enfant qui joue avec un bibelot de collection sans plus de précautions qu’avec un objet bon marché. 🔊✎
← Je crois que vous ne lui feriez pas plaisir; moi je sais bien que cela me serait très désagréable de voir mon nom imprimé tout vif comme cela dans le journal, et je ne serais pas flattée du tout qu’on m’en parlât.» Elle ne s’entêta pas d’ailleurs à persuader les sœurs de ma grand’mère; car celles-ci par horreur de la vulgarité poussaient si loin l’art de dissimuler sous des périphrases ingénieuses une allusion personnelle qu’elle passait souvent inaperçue de celui même à qui elle s’adressait. 🔊✎
← —«Ah! je vous crois bien, ma pauvre Françoise, répondait ma tante en haussant les épaules, chez M. le Curé! Vous savez bien qu’il ne fait pousser que de petites méchantes asperges de rien. Je vous dis que celles-là étaient grosses comme le bras. Pas comme le vôtre, bien sûr, mais comme mon pauvre bras qui a encore tant maigri cette année.» 🔊✎
← Qu’on le vît à cinq heures, quand on allait chercher les lettres à la poste, à quelques maisons de soi, à gauche, surélevant brusquement d’une cime isolée la ligne de faîte des toits; que si, au contraire, on voulait entrer demander des nouvelles de Mme Sazerat, on suivît des yeux cette ligne redevenue basse après la descente de son autre versant en sachant qu’il faudrait tourner à la deuxième rue après le clocher; soit qu’encore, poussant plus loin, si on allait à la gare, on le vît obliquement, montrant de profil des arêtes et des surfaces nouvelles comme un solide surpris à un moment inconnu de sa révolution; ou que, des bords de la Vivonne, l’abside musculeusement ramassée et remontée par la perspective semblât jaillir de l’effort que le clocher faisait pour lancer sa flèche au cœur du ciel: c’était toujours à lui qu’il fallait revenir, toujours lui qui dominait tout, sommant les maisons d’un pinacle inattendu, levé avant moi comme le doigt de Dieu dont le corps eût été caché dans la foule des humains sans que je le confondisse pour cela avec elle. 🔊✎
← Ma mère, ayant appris qu’il composait, lui avait dit par amabilité que, quand elle irait le voir, il faudrait qu’il lui fît entendre quelque chose de lui. M. Vinteuil en aurait eu beaucoup de joie, mais il poussait la politesse et la bonté jusqu’à de tels scrupules que, se mettant toujours à la place des autres, il craignait de les ennuyer et de leur paraître égoïste s’il suivait ou seulement laissait deviner son désir. 🔊✎
← J’y trouvai Françoise qui, ayant voulu regarder ce que le signet marquait, lisait la description clinique de la crise et poussait des sanglots maintenant qu’il s’agissait d’une malade-type qu’elle ne connaissait pas. 🔊✎
← Cette ressemblance qui insinuait dans la statue une douceur que je n’y avais pas cherchée, était souvent certifiée par quelque fille des champs, venue comme nous se mettre à couvert et dont la présence, pareille à celle de ces feuillages pariétaires qui ont poussé à côté des feuillages sculptés, semblait destinée à permettre, par une confrontation avec la nature, de juger de la vérité de l’œuvre d’art. 🔊✎
← Mais dès que Françoise était auprès de moi, un démon me poussait à souhaiter qu’elle fût en colère, je saisissais le moindre prétexte pour lui dire que je regrettais ma tante parce que c’était une bonne femme, malgré ses ridicules, mais nullement parce que c’était ma tante, qu’elle eût pu être ma tante et me sembler odieuse, et sa mort ne me faire aucune peine, propos qui m’eussent semblé ineptes dans un livre. 🔊✎
← Jamais non plus nous ne pûmes pousser jusqu’au terme que j’eusse tant souhaité d’atteindre, jusqu’à Guermantes. 🔊✎