← Un jour que, pour l’anniversaire de la princesse de Parme (et parce qu’elle pouvait souvent être indirectement agréable à Odette en lui faisant avoir des places pour des galas, des jubilés), il avait voulu lui envoyer des fruits, ne sachant pas trop comment les commander, il en avait chargé une cousine de sa mère qui, ravie de faire une commission pour lui, lui avait écrit, en lui rendant compte qu’elle n’avait pas pris tous les fruits au même endroit, mais les raisins chez Crapote dont c’est la spécialité, les fraises chez Jauret, les poires chez Chevet où elles étaient plus belles, etc., «chaque fruit visité et examiné un par un par moi». 🔊✎
← Mais surtout le «chaque fruit visité et examiné un par un par moi» avait été un apaisement à sa souffrance, en emmenant sa conscience dans une région où il se rendait rarement, bien qu’elle lui appartînt comme héritier d’une famille de riche et bonne bourgeoisie où s’étaient conservés héréditairement, tout prêts à être mis à son service dès qu’il le souhaitait, la connaissance des «bonnes adresses» et l’art de savoir bien faire une commande. 🔊✎
← Elle commençait à se demander si cette gesticulation n’était pas rendue nécessaire par le morceau qu’on jouait et qui ne rentrait peut-être pas dans le cadre de la musique qu’elle avait entendue jusqu’à ce jour, si s’abstenir n’était pas faire preuve d’incompréhension à l’égard de l’œuvre et d’inconvenance vis-à-vis de la maîtresse de la maison: de sorte que pour exprimer par une «cote mal taillée» ses sentiments contradictoires, tantôt elle se contentait de remonter la bride de ses épaulettes ou d’assurer dans ses cheveux blonds les petites boules de corail ou d’émail rose, givrées de diamant, qui lui faisaient une coiffure simple et charmante, en examinant avec une froide curiosité sa fougueuse voisine, tantôt de son éventail elle battait pendant un instant la mesure, mais, pour ne pas abdiquer son indépendance, à contretemps. 🔊✎
← —Comment la princesse est venue exprès de Guermantes? Mais c’est trop! Je ne savais pas, je suis confuse, s’écrie naïvement Mme de Saint-Euverte qui était peu habituée au tour d’esprit de Swann. Et examinant la coiffure de la princesse: Mais c’est vrai, cela imite... comment dirais-je, pas les châtaignes, non, oh! c’est une idée ravissante, mais comment la princesse pouvait-elle connaître mon programme. Les musiciens ne me l’ont même pas communiqué à moi. 🔊✎