Liszt

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Plein d’une mélancolique ironie, Swann les regardait écouter l’intermède de pianoSaint François parlant aux oiseaux», de Liszt) qui avait succédé à l’air de flûte, et suivre le jeu vertigineux du virtuose. Mme de Franquetot anxieusement, les yeux éperdus comme si les touches sur lesquelles il courait avec agilité avaient été une suite de trapèzes d’ il pouvait tomber d’une hauteur de quatre-vingts mètres, et non sans lancer à sa voisine des regards d’étonnement, de dénégation qui signifiaient: «Ce n’est pas croyable, je n’aurais jamais pensé qu’un homme pût faire cela», Mme de Cambremer, en femme qui a reçu une forte éducation musicale, battant la mesure avec sa tête transformée en balancier de métronome dont l’amplitude et la rapidité d’oscillations d’une épaule à l’autre étaient devenues telles (avec cette espèce d’égarement et d’abandon du regard qu’ont les douleurs qui ne se connaissent plus ni ne cherchent à se maîtriser et disent: «Que voulez-vous!») qu’à tout moment elle accrochait avec ses solitaires les pattes de son corsage et était obligée de redresser les raisins noirs qu’elle avait dans les cheveux, sans cesser pour cela d’accélérer le mouvement. 🔊

Le pianiste ayant terminé le morceau de Liszt et ayant commencé un prélude de Chopin, Mme de Cambremer lança à Mme de Franquetot un sourire attendri de satisfaction compétente et d’allusion au passé. 🔊

Voyez, elle est venue tout exprès de Guermantes pour entendre le Saint-François d’Assise de Liszt et elle n’a eu le temps, comme une jolie mésange, que d’aller piquer pour les mettre sur sa tête quelques petits fruits de prunier des oiseaux et d’aubépine; il y a même encore de petites gouttes de rosée, un peu de la gelée blanche qui doit faire gémir la duchesse. 🔊

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