← Elle ne parlait jamais qu’assez bas parce qu’elle croyait avoir dans la tête quelque chose de cassé et de flottant qu’elle eût déplacé en parlant trop fort, mais elle ne restait jamais longtemps, même seule, sans dire quelque chose, parce qu’elle croyait que c’était salutaire pour sa gorge et qu’en empêchant le sang de s’y arrêter, cela rendrait moins fréquents les étouffements et les angoisses dont elle souffrait; puis, dans l’inertie absolu où elle vivait, elle prêtait à ses moindres sensations une importance extraordinaire; elle les douait d’une motilité qui lui rendait difficile de les garder pour elle, et à défaut de confident à qui les communiquer, elle se les annonçait à elle-même, en un perpétuel monologue qui était sa seule forme d’activité. 🔊✎
← Car si on a la sensation d’être toujours entouré de son âme, ce n’est pas comme d’une prison immobile: plutôt on est comme emporté avec elle dans un perpétuel élan pour la dépasser, pour atteindre à l’extérieur, avec une sorte de découragement, entendant toujours autour de soi cette sonorité identique qui n’est pas écho du dehors mais retentissement d’une vibration interne. 🔊✎
← Je m’amusais à regarder les carafes que les gamins mettaient dans la Vivonne pour prendre les petits poissons, et qui, remplies par la rivière, où elles sont à leur tour encloses, à la fois «contenant» aux flancs transparents comme une eau durcie, et «contenu» plongé dans un plus grand contenant de cristal liquide et courant, évoquaient l’image de la fraîcheur d’une façon plus délicieuse et plus irritante qu’elles n’eussent fait sur une table servie, en ne la montrant qu’en fuite dans cette allitération perpétuelle entre l’eau sans consistance où les mains ne pouvaient la capter et le verre sans fluidité où le palais ne pourrait en jouir. 🔊✎