← Si en voyage il rencontrait une famille qu’il eût été plus élégant de ne pas chercher à connaître, mais dans laquelle une femme se présentait à ses yeux parée d’un charme qu’il n’avait pas encore connu, rester dans son «quant à soi» et tromper le désir qu’elle avait fait naître, substituer un plaisir différent au plaisir qu’il eût pu connaître avec elle, en écrivant à une ancienne maîtresse de venir le rejoindre, lui eût semblé une aussi lâche abdication devant la vie, un aussi stupide renoncement à un bonheur nouveau, que si au lieu de visiter le pays, il s’était confiné dans sa chambre en regardant des vues de Paris. 🔊✎
← La voiture ne revenait pas et Swann se représentait le moment qui approchait, à la fois comme celui où Rémi lui dirait: «Cette dame est là», et comme celui où Rémi lui dirait, «cette dame n’était dans aucun des cafés.» Et ainsi il voyait la fin de la soirée devant lui, une et pourtant alternative, précédée soit par la rencontre d’Odette qui abolirait son angoisse, soit, par le renoncement forcé à la trouver ce soir, par l’acceptation de rentrer chez lui sans l’avoir vue. 🔊✎
← C’est aussi que cette idée de la revoir revenait parée pour lui d’une nouveauté, d’une séduction, douée d’une virulence que l’habitude avait émoussées, mais qui s’étaient retrempées dans cette privation non de trois jours mais de quinze (car la durée d’un renoncement doit se calculer, par anticipation, sur le terme assigné), et de ce qui jusque-là eût été un plaisir attendu qu’on sacrifie aisément, avait fait un bonheur inespéré contre lequel on est sans force. 🔊✎