← Il s’en représentait l’étendue, les groupements symétriques, la graphie, la valeur expressive; il avait devant lui cette chose qui n’est plus de la musique pure, qui est du dessin, de l’architecture, de la pensée, et qui permet de se rappeler la musique. 🔊✎
← D’ailleurs, ce monde qui faisait si peur à Odette, ne lui inspirait peut-être pas de grands désirs, car pour qu’elle se le représentât bien nettement, il était trop éloigné de celui qu’elle connaissait. 🔊✎
← Et pourtant il était content d’être venu: le tourment qui l’avait forcé de sortir de chez lui avait perdu de son acuité en perdant de son vague, maintenant que l’autre vie d’Odette, dont il avait eu, à ce moment-là, le brusque et impuissant soupçon, il la tenait là, éclairée en plein par la lampe, prisonnière sans le savoir dans cette chambre où, quand il le voudrait, il entrerait la surprendre et la capturer; ou plutôt il allait frapper aux volets comme il faisait souvent quand il venait très tard; ainsi du moins, Odette apprendrait qu’il avait su, qu’il avait vu la lumière et entendu la causerie, et lui, qui, tout à l’heure, se la représentait comme se riant avec l’autre de ses illusions, maintenant, c’était eux qu’il voyait, confiants dans leur erreur, trompés en somme par lui qu’ils croyaient bien loin d’ici et qui, lui, savait déjà qu’il allait frapper aux volets. 🔊✎
← Ces paroles étaient mensongères; du moins pour Odette elles étaient mensongères, inconsistantes, n’ayant pas, comme si elles avaient été vraies, un point d’appui dans le souvenir de son arrivée à la gare; même elle était empêchée de se les représenter au moment où elle les prononçait, par l’image contradictoire de ce qu’elle avait fait de tout différent au moment où elle prétendait être descendue du train. 🔊✎
← Car sitôt que Swann pouvait se la représenter sans horreur, qu’il revoyait de la bonté dans son sourire, et que le désir de l’enlever à tout autre, n’était plus ajouté par la jalousie à son amour, cet amour redevenait surtout un goût pour les sensations que lui donnait la personne d’Odette, pour le plaisir qu’il avait à admirer comme un spectacle ou à interroger comme un phénomène, le lever d’un de ses regards, la formation d’un de ses sourires, l’émission d’une intonation de sa voix. 🔊✎
← Donc Swann étendait ces habitudes au reste de la vie d’Odette, il répétait ces gestes quand il voulait se représenter les moments où elle était loin de lui. 🔊✎
← —Que veux-tu? cela ne fait rien, mais c’est malheureux que tu ne puisses pas me dire le nom. De pouvoir me représenter la personne, cela m’empêcherait de plus jamais y penser. 🔊✎
← Je le dis pour toi parce que je ne t’ennuierais plus. C’est si calmant de se représenter les choses. Ce qui est affreux c’est ce qu’on ne peut pas imaginer. 🔊✎
← —Oh! je voulais seulement savoir si c’est depuis que je te connais. Mais ce serait si naturel, est-ce que ça se passait ici; tu ne peux pas me dire un certain soir, que je me représente ce que je faisais ce soir-là; tu comprends bien qu’il n’est pas possible que tu ne te rappelles pas avec qui, Odette, mon amour. 🔊✎
← Il se rendait compte que toute la période de la vie d’Odette écoulée avant qu’elle ne le rencontrât, période qu’il n’avait jamais cherché à se représenter, n’était pas l’étendue abstraite qu’il voyait vaguement, mais avait été faite d’années particulières, remplie d’incidents concrets. 🔊✎