imaginer

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Quelque temps après cette présentation au théâtre, elle lui avait écrit pour lui demander à voir ses collections qui l’intéressaient tant, «elle, ignorante qui avait le goût des jolies choses», disant qu’il lui semblait qu’elle le connaîtrait mieux, quand elle l’aurait vu dans «son home» elle l’imaginait «si confortable avec son thé et ses livres», quoiqu’elle ne lui eût pas caché sa surprise qu’il habitât ce quartier qui devait être si triste et «qui était si peu smart pour lui qui l’était tant». 🔊

Il n’allait chez elle que le soir, et il ne savait rien de l’emploi de son temps pendant le jour, pas plus que de son passé, au point qu’il lui manquait même ce petit renseignement initial qui, en nous permettant de nous imaginer ce que nous ne savons pas, nous donne envie de le connaître. 🔊

Mais, parfois, dans un coin de cette vie que Swann voyait toute vide, si même son esprit lui disait qu’elle ne l’était pas, parce qu’il ne pouvait pas l’imaginer, quelque ami, qui, se doutant qu’ils s’aimaient, ne se fût pas risqué à lui rien dire d’elle que d’insignifiant, lui décrivait la silhouette d’Odette, qu’il avait aperçue, le matin même, montant à pied la rue Abbatucci dans une «visite» garnie de skunks, sous un chapeau «à la Rembrandt» et un bouquet de violettes à son corsage. 🔊

En lui disant qu’elle aimerait tant qu’il lui parlât des grands poètes, elle s’était imaginé qu’elle allait connaître tout de suite des couplets héroïques et romanesques dans le genre de ceux du vicomte de Borelli, en plus émouvant encore. Pour Ver Meer de Delft, elle lui demanda s’il avait souffert par une femme, si c’était une femme qui l’avait inspiré, et Swann lui ayant avoué qu’on n’en savait rien, elle s’était désintéressée de ce peintre. 🔊

Il affectait, chez Mme Verdurin, de chercher ses comparaisons dans ce qu’il y avait de plus actuel quand il parlait de philosophie et d’histoire, d’abord parce qu’il croyait qu’elles ne sont qu’une préparation à la vie et qu’il s’imaginait trouver en action dans le petit clan ce qu’il n’avait connu jusqu’ici que dans les livres, puis peut-être aussi parce que, s’étant vu inculquer autrefois, et ayant gardé à son insu, le respect de certains sujets, il croyait dépouiller l’universitaire en prenant avec eux des hardiesses qui, au contraire, ne lui paraissaient telles, que parce qu’il l’était resté. 🔊

Si, à la devanture d’un fleuriste ou d’un joaillier, la vue d’un arbuste ou d’un bijou le charmait, aussitôt il pensait à les envoyer à Odette, imaginant le plaisir qu’ils lui avaient procuré, ressenti par elle, venant accroître la tendresse qu’elle avait pour lui, et les faisait porter immédiatement rue La Pérouse, pour ne pas retarder l’instant , comme elle recevrait quelque chose de lui, il se sentirait en quelque sorte près d’elle. 🔊

Mais, à d’autres moments, sa douleur le reprenait, il s’imaginait qu’Odette était la maîtresse de Forcheville et que quand tous deux l’avaient vu, du fond du landau des Verdurin, au Bois, la veille de la fête de Chatou il n’avait pas été invité, la prier vainement, avec cet air de désespoir qu’avait remarqué jusqu’à son cocher, de revenir avec lui, puis s’en retourner de son côté, seul et vaincu, elle avait avoir pour le désigner à Forcheville et lui dire: «Hein! ce qu’il rageles mêmes regards, brillants, malicieux, abaissés et sournois, que le jour celui-ci avait chassé Saniette de chez les Verdurin. 🔊

Il savait bien comme une vérité générale que la vie des êtres est pleine de contrastes, mais pour chaque être en particulier il imaginait toute la partie de sa vie qu’il ne connaissait pas comme identique à la partie qu’il connaissait. 🔊

Il imaginait ce qu’on lui taisait à l’aide de ce qu’on lui disait. 🔊

Je le dis pour toi parce que je ne t’ennuierais plus. C’est si calmant de se représenter les choses. Ce qui est affreux c’est ce qu’on ne peut pas imaginer. 🔊

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