← En réalité il n’y avait pas un fidèle qui ne fût plus malveillant que Swann; mais tous ils avaient la précaution d’assaisonner leurs médisances de plaisanteries connues, d’une petite pointe d’émotion et de cordialité; tandis que la moindre réserve que se permettait Swann, dépouillée des formules de convention telles que: «Ce n’est pas du mal que nous disons» et auxquelles il dédaignait de s’abaisser, paraissait une perfidie. 🔊✎
← Même au simple point de vue de la coquetterie, lui disait-il, ne comprends-tu donc pas combien tu perds de ta séduction en t’abaissant à mentir? 🔊✎
← Mais, à d’autres moments, sa douleur le reprenait, il s’imaginait qu’Odette était la maîtresse de Forcheville et que quand tous deux l’avaient vu, du fond du landau des Verdurin, au Bois, la veille de la fête de Chatou où il n’avait pas été invité, la prier vainement, avec cet air de désespoir qu’avait remarqué jusqu’à son cocher, de revenir avec lui, puis s’en retourner de son côté, seul et vaincu, elle avait dû avoir pour le désigner à Forcheville et lui dire: «Hein! ce qu’il rage!» les mêmes regards, brillants, malicieux, abaissés et sournois, que le jour où celui-ci avait chassé Saniette de chez les Verdurin. 🔊✎
← Il connaissait bien des femmes à qui il eût pu demander de surveiller Odette. Mais comment espérer qu’elles se placeraient au même point de vue que lui et ne resteraient pas à celui qui avait été si longtemps le sien, qui avait toujours guidé sa vie voluptueuse, ne lui diraient pas en riant: «Vilain jaloux qui veut priver les autres d’un plaisir.» Par quelle trappe soudainement abaissée (lui qui n’avait eu autrefois de son amour pour Odette que des plaisirs délicats) avait-il été brusquement précipité dans ce nouveau cercle de l’enfer d’où il n’apercevait pas comment il pourrait jamais sortir. 🔊✎