← La simple gymnastique élémentaire de l’homme du monde tendant la main avec bonne grâce au jeune homme inconnu qu’on lui présente et s’inclinant avec réserve devant l’ambassadeur à qui on le présente, avait fini par passer sans qu’il en fût conscient dans toute l’attitude sociale de Swann, qui vis-à-vis de gens d’un milieu inférieur au sien comme étaient les Verdurin et leurs amis, fit instinctivement montre d’un empressement, se livra à des avances, dont, selon eux, un ennuyeux se fût abstenu. Il n’eut un moment de froideur qu’avec le docteur Cottard: en le voyant lui cligner de l’œil et lui sourire d’un air ambigu avant qu’ils se fussent encore parlé (mimique que Cottard appelait «laisser venir»), Swann crut que le docteur le connaissait sans doute pour s’être trouvé avec lui en quelque lieu de plaisir, bien que lui-même y allât pourtant fort peu, n’ayant jamais vécu dans le monde de la noce. 🔊✎
← En réalité il n’y avait pas un fidèle qui ne fût plus malveillant que Swann; mais tous ils avaient la précaution d’assaisonner leurs médisances de plaisanteries connues, d’une petite pointe d’émotion et de cordialité; tandis que la moindre réserve que se permettait Swann, dépouillée des formules de convention telles que: «Ce n’est pas du mal que nous disons» et auxquelles il dédaignait de s’abaisser, paraissait une perfidie. 🔊✎
← Un mouvement de tête de Mme de Franquetot la lui découvrit. Aussitôt elle se précipita vers elle en dérangeant tout le monde; mais désireuse de garder un air hautain et glacial qui rappelât à tous qu’elle ne désirait pas avoir de relations avec une personne chez qui on pouvait se trouver nez à nez avec la princesse Mathilde, et au-devant de qui elle n’avait pas à aller car elle n’était pas «sa contemporaine», elle voulut pourtant compenser cet air de hauteur et de réserve par quelque propos qui justifiât sa démarche et forçât la princesse à engager la conversation; aussi une fois arrivée près de sa cousine, Mme de Gallardon, avec un visage dur, une main tendue comme une carte forcée, lui dit: «Comment va ton mari?» de la même voix soucieuse que si le prince avait été gravement malade. 🔊✎
← Quand enfin Swann présenta M. de Froberville à la jeune Mme de Cambremer, comme c’était la première fois qu’elle entendait le nom du général, elle esquissa le sourire de joie et de surprise qu’elle aurait eu si on n’en avait jamais prononcé devant elle d’autre que celui-là, car ne connaissant pas les amis de sa nouvelle famille, à chaque personne qu’on lui amenait, elle croyait que c’était l’un d’eux, et pensant qu’elle faisait preuve de tact en ayant l’air d’en avoir tant entendu parler depuis qu’elle était mariée, elle tendait la main d’un air hésitant destiné à prouver la réserve apprise qu’elle avait à vaincre et la sympathie spontanée qui réussissait à en triompher. 🔊✎
← Émerveillée par la virtuosité des exécutants, la comtesse s’écria en s’adressant à Swann: «C’est prodigieux, je n’ai jamais rien vu d’aussi fort...» Mais un scrupule d’exactitude lui faisant corriger cette première assertion, elle ajouta cette réserve: «rien d’aussi fort... depuis les tables tournantes!» 🔊✎
← Et il continua à serrer la main à tous ces amis qu’il avait soupçonnés, avec cette réserve de pur style qu’ils avaient peut-être cherché à le désespérer. 🔊✎