← De même si un «fidèle» avait un ami, ou une «habituée» un flirt qui serait capable de faire «lâcher» quelquefois, les Verdurin qui ne s’effrayaient pas qu’une femme eût un amant pourvu qu’elle l’eût chez eux, l’aimât en eux, et ne le leur préférât pas, disaient: «Eh bien! amenez-le votre ami.» Et on l’engageait à l’essai, pour voir s’il était capable de ne pas avoir de secrets pour Mme Verdurin, s’il était susceptible d’être agrégé au «petit clan». S’il ne l’était pas on prenait à part le fidèle qui l’avait présenté et on lui rendait le service de le brouiller avec son ami ou avec sa maîtresse. Dans le cas contraire, le «nouveau» devenait à son tour un fidèle. 🔊✎
← Et sur la réponse négative de mon grand-père, c’est Odette qui avait amené elle-même Swann chez les Verdurin. 🔊✎
← Or, comme certains valétudinaires chez qui tout d’un coup, un pays où ils sont arrivés, un régime différent, quelquefois une évolution organique, spontanée et mystérieuse, semblent amener une telle régression de leur mal qu’ils commencent à envisager la possibilité inespérée de commencer sur le tard une vie toute différente, Swann trouvait en lui, dans le souvenir de la phrase qu’il avait entendue, dans certaines sonates qu’il s’était fait jouer, pour voir s’il ne l’y découvrirait pas, la présence d’une de ces réalités invisibles auxquelles il avait cessé de croire et auxquelles, comme si la musique avait eu sur la sécheresse morale dont il souffrait une sorte d’influence élective, il se sentait de nouveau le désir et presque la force de consacrer sa vie. 🔊✎
← —Vous savez que votre ami nous plaît beaucoup, dit Mme Verdurin à Odette au moment où celle-ci lui souhaitait le bonsoir. Il est simple, charmant; si vous n’avez jamais à nous présenter que des amis comme cela, vous pouvez les amener. 🔊✎
← Que ne répondait-il du moins comme Forcheville: «Dame, c’est une duchesse; il y a des gens que ça impressionne encore», ce qui avait permis au moins à Mme Verdurin de répliquer: «Grand bien leur fasse!» Au lieu de cela, Swann se contenta de rire d’un air qui signifiait qu’il ne pouvait même pas prendre au sérieux une pareille extravagance. M. Verdurin, continuant à jeter sur sa femme des regards furtifs, voyait avec tristesse et comprenait trop bien qu’elle éprouvait la colère d’un grand inquisiteur qui ne parvient pas à extirper l’hérésie, et pour tâcher d’amener Swann à une rétractation, comme le courage de ses opinions paraît toujours un calcul et une lâcheté aux yeux de ceux à l’encontre de qui il s’exerce, M. Verdurin l’interpella: 🔊✎
← Il ne fut pas jaloux d’abord de toute la vie d’Odette, mais des seuls moments où une circonstance, peut-être mal interprétée, l’avait amené à supposer qu’Odette avait pu le tromper. 🔊✎
← Ces réputations-là, même vraies, sont faites avec les idées des autres»; il pensait que cette légende—fût-elle authentique—était extérieure à Odette, n’était pas en elle comme une personnalité irréductible et malfaisante; que la créature qui avait pu être amenée à mal faire, c’était une femme aux bons yeux, au cœur plein de pitié pour la souffrance, au corps docile qu’il avait tenu, qu’il avait serré dans ses bras et manié, une femme qu’il pourrait arriver un jour à posséder toute, s’il réussissait à se rendre indispensable à elle. 🔊✎
← Quand enfin Swann présenta M. de Froberville à la jeune Mme de Cambremer, comme c’était la première fois qu’elle entendait le nom du général, elle esquissa le sourire de joie et de surprise qu’elle aurait eu si on n’en avait jamais prononcé devant elle d’autre que celui-là, car ne connaissant pas les amis de sa nouvelle famille, à chaque personne qu’on lui amenait, elle croyait que c’était l’un d’eux, et pensant qu’elle faisait preuve de tact en ayant l’air d’en avoir tant entendu parler depuis qu’elle était mariée, elle tendait la main d’un air hésitant destiné à prouver la réserve apprise qu’elle avait à vaincre et la sympathie spontanée qui réussissait à en triompher. 🔊✎
← Seulement de temps à autre, il laissait entendre à Odette que par méchanceté, on lui racontait tout ce qu’elle faisait; et, se servant à propos, d’un détail insignifiant mais vrai, qu’il avait appris par hasard, comme s’il était le seul petit bout qu’il laissât passer malgré lui, entre tant d’autres, d’une reconstitution complète de la vie d’Odette qu’il tenait cachée en lui, il l’amenait à supposer qu’il était renseigné sur des choses qu’en réalité il ne savait ni même ne soupçonnait, car si bien souvent il adjurait Odette de ne pas altérer la vérité, c’était seulement, qu’il s’en rendît compte ou non, pour qu’Odette lui dît tout ce qu’elle faisait. 🔊✎
← Il paraît qu’il y a un ambassadeur qui lui a dit: «Je me tue si vous ne me l’amenez pas.» On lui a dit que j’étais sortie, j’ai fini par aller moi-même lui parler pour qu’elle s’en aille. 🔊✎