Et sans doute, en se rappelant ainsi leurs entretiens, en pensant ainsi à elle quand il était seul, il faisait seulement jouer son image entre beaucoup d’autres images de femmes dans des rêveries romanesques; mais si, grâce à une circonstance quelconque (ou même peut-être sans que ce fût grâce à elle, la circonstance qui se présente au moment où un état, latent jusque-là, se déclare, pouvant n’avoir influé en rien sur lui) l’image d’Odette de Crécy venait à absorber toutes ces rêveries, si celles-ci n’étaient plus séparables de son souvenir, alors l’imperfection de son corps ne garderait plus aucune importance, ni qu’il eût été, plus ou moins qu’un autre corps, selon le goût de Swann, puisque devenu le corps de celle qu’il aimait, il serait désormais le seul qui fût capable de lui causer des joies et des tourments. 🔊✎
Mon grand-père avait précisément connu, ce qu’on n’aurait pu dire d’aucun de leurs amis actuels, la famille de ces Verdurin. 🔊✎ Mais il avait perdu toute relation avec celui qu’il appelait le «jeune Verdurin» et qu’il considérait, un peu en gros, comme tombé—tout en gardant de nombreux millions—dans la bohème et la racaille. 🔊✎ Un jour il reçut une lettre de Swann lui demandant s’il ne pourrait pas le mettre en rapport avec les Verdurin: «À la garde! à la garde! s’était écrié mon grand-père, ça ne m’étonne pas du tout, c’est bien par là que devait finir Swann. Joli milieu! D’abord je ne peux pas faire ce qu’il me demande parce que je ne connais plus ce monsieur. 🔊✎ Et puis ça doit cacher une histoire de femme, je ne me mêle pas de ces affaires-là. Ah bien! nous allons avoir de l’agrément si Swann s’affuble des petits Verdurin.» 🔊✎
Et sur la réponse négative de mon grand-père, c’est Odette qui avait amené elle-même Swann chez les Verdurin. 🔊✎
Les Verdurin avaient eu à dîner, le jour où Swann y fit ses débuts, le docteur et Mme Cottard, le jeune pianiste et sa tante, et le peintre qui avait alors leur faveur, auxquels s’étaient joints dans la soirée quelques autres fidèles. 🔊✎