← Je n’en ai jamais senti, je peux? dites la vérité.»? 🔊✎
← Si, depuis qu’il était amoureux, les choses avaient repris pour lui un peu de l’intérêt délicieux qu’il leur trouvait autrefois, mais seulement là où elles étaient éclairées par le souvenir d’Odette, maintenant, c’était une autre faculté de sa studieuse jeunesse que sa jalousie ranimait, la passion de la vérité, mais d’une vérité, elle aussi, interposée entre lui et sa maîtresse, ne recevant sa lumière que d’elle, vérité tout individuelle qui avait pour objet unique, d’un prix infini et presque d’une beauté désintéressée, les actions d’Odette, ses relations, ses projets, son passé. 🔊✎
← Mais le désir de connaître la vérité était plus fort et lui sembla plus noble. 🔊✎
← Il eut l’idée que ce n’était pas seulement la vérité sur l’incident de l’après-midi qu’elle s’efforçait de lui cacher, mais quelque chose de plus actuel, peut-être de non encore survenu et de tout prochain, et qui pourrait l’éclairer sur cette vérité. 🔊✎
← Vraiment tu es bien moins intelligente que je ne croyais!» Mais c’est en vain que Swann lui exposait ainsi toutes les raisons qu’elle avait de ne pas mentir; elles auraient pu ruiner chez Odette un système général du mensonge; mais Odette n’en possédait pas; elle se contentait seulement, dans chaque cas où elle voulait que Swann ignorât quelque chose qu’elle avait fait, de ne pas le lui dire. Ainsi le mensonge était pour elle un expédient d’ordre particulier; et ce qui seul pouvait décider si elle devait s’en servir ou avouer la vérité, c’était une raison d’ordre particulier aussi, la chance plus ou moins grande qu’il y avait pour que Swann pût découvrir qu’elle n’avait pas dit la vérité. 🔊✎
← Et elle lui disait tout simplement, sans plus prendre comme autrefois la précaution de se couvrir à tout hasard d’un petit morceau emprunté à la vérité, qu’elle venait d’y rentrer à l’instant même par le train du matin. 🔊✎
← Mais dans l’esprit de Swann au contraire ces paroles qui ne rencontraient aucun obstacle venaient s’incruster et prendre l’inamovibilité d’une vérité si indubitable que si un ami lui disait être venu par ce train et ne pas avoir vu Odette il était persuadé que c’était l’ami qui se trompait de jour ou d’heure puisque son dire ne se conciliait pas avec les paroles d’Odette. Celles-ci ne lui eussent paru mensongères que s’il s’était d’abord défié qu’elles le fussent. 🔊✎
← Il savait bien comme une vérité générale que la vie des êtres est pleine de contrastes, mais pour chaque être en particulier il imaginait toute la partie de sa vie qu’il ne connaissait pas comme identique à la partie qu’il connaissait. 🔊✎
← Seulement de temps à autre, il laissait entendre à Odette que par méchanceté, on lui racontait tout ce qu’elle faisait; et, se servant à propos, d’un détail insignifiant mais vrai, qu’il avait appris par hasard, comme s’il était le seul petit bout qu’il laissât passer malgré lui, entre tant d’autres, d’une reconstitution complète de la vie d’Odette qu’il tenait cachée en lui, il l’amenait à supposer qu’il était renseigné sur des choses qu’en réalité il ne savait ni même ne soupçonnait, car si bien souvent il adjurait Odette de ne pas altérer la vérité, c’était seulement, qu’il s’en rendît compte ou non, pour qu’Odette lui dît tout ce qu’elle faisait. 🔊✎
← De ce qu’Odette mentait quelquefois, on ne pouvait conclure qu’elle ne disait jamais la vérité et dans ces propos qu’elle avait échangés avec Mme Verdurin et qu’elle avait racontés elle-même à Swann, il avait reconnu ces plaisanteries inutiles et dangereuses que, par inexpérience de la vie et ignorance du vice, tiennent des femmes dont ils révèlent l’innocence, et qui—comme par exemple Odette—sont plus éloignées qu’aucune d’éprouver une tendresse exaltée pour une autre femme. 🔊✎