← Autrefois on rêvait de posséder le cœur de la femme dont on était amoureux; plus tard sentir qu’on possède le cœur d’une femme peut suffire à vous en rendre amoureux. 🔊✎
← Quant au peintre il se réjouissait de l’introduction de Swann chez Mme Verdurin, parce qu’il le supposait amoureux d’Odette et qu’il aimait à favoriser les liaisons. « 🔊✎
← Et tandis que Mme Verdurin disait à son mari: «Allons, donne-lui de l’orangeade, il l’a bien méritée», Swann racontait à Odette comment il avait été amoureux de cette petite phrase. 🔊✎
← A vrai dire, souvent resté tard dans le monde, il aurait mieux aimé rentrer directement chez lui sans faire cette longue course et ne la voir que le lendemain; mais le fait même de se déranger à une heure anormale pour aller chez elle, de deviner que les amis qui le quittaient se disaient: «Il est très tenu, il y a certainement une femme qui le force à aller chez elle à n’importe quelle heure», lui faisait sentir qu’il menait la vie des hommes qui ont une affaire amoureuse dans leur existence, et en qui le sacrifice qu’ils font de leur repos et de leurs intérêts à une rêverie voluptueuse fait naître un charme intérieur. 🔊✎
← Car Swann en trouvait aux choses, depuis qu’il était amoureux, comme au temps où, adolescent, il se croyait artiste; mais ce n’était plus le même charme, celui-ci c’est Odette seule qui le leur conférait. 🔊✎
← Si, depuis qu’il était amoureux, les choses avaient repris pour lui un peu de l’intérêt délicieux qu’il leur trouvait autrefois, mais seulement là où elles étaient éclairées par le souvenir d’Odette, maintenant, c’était une autre faculté de sa studieuse jeunesse que sa jalousie ranimait, la passion de la vérité, mais d’une vérité, elle aussi, interposée entre lui et sa maîtresse, ne recevant sa lumière que d’elle, vérité tout individuelle qui avait pour objet unique, d’un prix infini et presque d’une beauté désintéressée, les actions d’Odette, ses relations, ses projets, son passé. 🔊✎
← Elle lui redisait tout le temps: «Quel malheur que toi, qui ne viens jamais l’après-midi, pour une fois que cela t’arrive, je ne t’aie pas vu.» Il savait bien qu’elle n’était pas assez amoureuse de lui pour avoir un regret si vif d’avoir manqué sa visite, mais comme elle était bonne, désireuse de lui faire plaisir, et souvent triste quand elle l’avait contrarié, il trouva tout naturel qu’elle le fût cette fois de l’avoir privé de ce plaisir de passer une heure ensemble qui était très grand, non pour elle, mais pour lui. 🔊✎
← D’ailleurs cela ne faisait rien car il en avait assez vu pour se rendre compte qu’il s’agissait d’un petit événement sans importance et qui ne touchait nullement à des relations amoureuses, c’était quelque chose qui se rapportait à un oncle d’Odette. 🔊✎
← Odette depuis un moment donnait des signes d’émotion et d’incertitude. A défaut du sens de ce discours, elle comprenait qu’il pouvait rentrer dans le genre commun des «laïus», et scènes de reproches ou de supplications dont l’habitude qu’elle avait des hommes lui permettait sans s’attacher aux détails des mots, de conclure qu’ils ne les prononceraient pas s’ils n’étaient pas amoureux, que du moment qu’ils étaient amoureux, il était inutile de leur obéir, qu’ils ne le seraient que plus après. 🔊✎
← Je trouve ridicule au fond qu’un homme de son intelligence souffre pour une personne de ce genre et qui n’est même pas intéressante, car on la dit idiote», ajouta-t-elle avec la sagesse des gens non amoureux qui trouvent qu’un homme d’esprit ne devrait être malheureux que pour une personne qui en valût la peine; c’est à peu près comme s’étonner qu’on daigne souffrir du choléra par le fait d’un être aussi petit que le bacille virgule. 🔊✎