← Si en voyage il rencontrait une famille qu’il eût été plus élégant de ne pas chercher à connaître, mais dans laquelle une femme se présentait à ses yeux parée d’un charme qu’il n’avait pas encore connu, rester dans son «quant à soi» et tromper le désir qu’elle avait fait naître, substituer un plaisir différent au plaisir qu’il eût pu connaître avec elle, en écrivant à une ancienne maîtresse de venir le rejoindre, lui eût semblé une aussi lâche abdication devant la vie, un aussi stupide renoncement à un bonheur nouveau, que si au lieu de visiter le pays, il s’était confiné dans sa chambre en regardant des vues de Paris. 🔊✎
← Et elle était si particulière, elle avait un charme si individuel et qu’aucun autre n’aurait pu remplacer, que ce fut pour Swann comme s’il eût rencontré dans un salon ami une personne qu’il avait admirée dans la rue et désespérait de jamais retrouver. 🔊✎
← A vrai dire, souvent resté tard dans le monde, il aurait mieux aimé rentrer directement chez lui sans faire cette longue course et ne la voir que le lendemain; mais le fait même de se déranger à une heure anormale pour aller chez elle, de deviner que les amis qui le quittaient se disaient: «Il est très tenu, il y a certainement une femme qui le force à aller chez elle à n’importe quelle heure», lui faisait sentir qu’il menait la vie des hommes qui ont une affaire amoureuse dans leur existence, et en qui le sacrifice qu’ils font de leur repos et de leurs intérêts à une rêverie voluptueuse fait naître un charme intérieur. 🔊✎
← Car Swann en trouvait aux choses, depuis qu’il était amoureux, comme au temps où, adolescent, il se croyait artiste; mais ce n’était plus le même charme, celui-ci c’est Odette seule qui le leur conférait. 🔊✎
← Ce charme de le rapprocher d’elle, qu’avaient les ouvrages ou les lieux qu’elle aimait, lui semblait plus mystérieux que celui qui est intrinsèque à de plus beaux, mais qui ne la lui rappelaient pas. 🔊✎
← Le jour où il dînait en ville, il faisait atteler pour sept heures et demie; il s’habillait tout en songeant à Odette et ainsi il ne se trouvait pas seul, car la pensée constante d’Odette donnait aux moments où il était loin d’elle le même charme particulier qu’à ceux où elle était là. 🔊✎
← Il se disait que le charme du printemps qu’il ne pouvait pas aller goûter à Combray, il le trouverait du moins dans l’île des Cygnes ou à Saint-Cloud. 🔊✎
← Le baron lui promit d’aller faire la visite qu’il désirait après qu’il l’aurait conduit jusqu’à la porte de l’hôtel Saint-Euverte, où Swann arriva tranquillisé par la pensée que M. de Charlus passerait la soirée rue La Pérouse, mais dans un état de mélancolique indifférence à toutes les choses qui ne touchaient pas Odette, et en particulier aux choses mondaines, qui leur donnait le charme de ce qui, n’étant plus un but pour notre volonté, nous apparaît en soi-même. 🔊✎
← Il avait cru qu’il pourrait s’en tenir là, qu’il ne serait pas obligé d’en apprendre les douleurs; comme maintenant le charme d’Odette lui était peu de chose auprès de cette formidable terreur qui le prolongeait comme un trouble halo, cette immense angoisse de ne pas savoir à tous moments ce qu’elle avait fait, de ne pas la posséder partout et toujours! 🔊✎
← Jamais il n’avait supposé que ce fût une chose aussi récente, cachée à ses yeux qui n’avaient pas su la découvrir, non dans un passé qu’il n’avait pas connu, mais dans des soirs qu’il se rappelait si bien, qu’il avait vécus avec Odette, qu’il avait cru connus si bien par lui et qui maintenant prenaient rétrospectivement quelque chose de fourbe et d’atroce; au milieu d’eux tout d’un coup se creusait cette ouverture béante, ce moment dans l’Ile du Bois. Odette sans être intelligente avait le charme du naturel. 🔊✎