Pérouse

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Il la reconduisait jusqu’à la porte de son petit hôtel, rue La Pérouse, derrière l’Arc de Triomphe. 🔊

Si, à la devanture d’un fleuriste ou d’un joaillier, la vue d’un arbuste ou d’un bijou le charmait, aussitôt il pensait à les envoyer à Odette, imaginant le plaisir qu’ils lui avaient procuré, ressenti par elle, venant accroître la tendresse qu’elle avait pour lui, et les faisait porter immédiatement rue La Pérouse, pour ne pas retarder l’instant , comme elle recevrait quelque chose de lui, il se sentirait en quelque sorte près d’elle. 🔊

—«Oh! sapristi non! je te dirai, je ne peux pas prendre Lorédan quand je vais rue La Pérouse. Odette n’aime pas que je prenne Lorédan, elle ne le trouve pas bien pour moi; enfin que veux-tu, les femmes, tu sais! je sais que ça lui déplairait beaucoup. 🔊

Le baron lui promit d’aller faire la visite qu’il désirait après qu’il l’aurait conduit jusqu’à la porte de l’hôtel Saint-Euverte, Swann arriva tranquillisé par la pensée que M. de Charlus passerait la soirée rue La Pérouse, mais dans un état de mélancolique indifférence à toutes les choses qui ne touchaient pas Odette, et en particulier aux choses mondaines, qui leur donnait le charme de ce qui, n’étant plus un but pour notre volonté, nous apparaît en soi-même. 🔊

—«Ah! lui dit-il, il y a eu de bien belles vies qui ont fini de cette façon... Ainsi vous savez... ce navigateur dont Dumont d’Urville ramena les cendres, La Pérouse...(et Swann était déjà heureux comme s’il avait parlé d’Odette.) «C’est un beau caractère et qui m’intéresse beaucoup que celui de La Pérouse, ajouta-t-il d’un air mélancolique.» —Ah! parfaitement, La Pérouse, dit le général. C’est un nom connu. Il a sa rue. 🔊

Vous connaissez quelqu’un rue La Pérouse? demanda Swann d’un air agité. 🔊

Ah! elle demeure rue La Pérouse. C’est sympathique, c’est une jolie rue, si triste. 🔊

Il se rappela ces soirs de clair de lune, allongé dans sa victoria qui le menait rue La Pérouse, il cultivait voluptueusement en lui les émotions de l’homme amoureux, sans savoir le fruit empoisonné qu’elles produiraient nécessairement. 🔊

Il se rappela qu’elle lui avait dit un jour: «Je n’aurais qu’à dire à Mme Verdurin que ma robe n’a pas été prête, que mon cab est venu en retard. Il y a toujours moyen de s’arrangerA lui aussi probablement, bien des fois elle lui avait glissé de ces mots qui expliquent un retard, justifient un changement d’heure dans un rendezvous, ils avaient cacher sans qu’il s’en fût douté alors, quelque chose qu’elle avait à faire avec un autre à qui elle avait dit: «Je n’aurai qu’à dire à Swann que ma robe n’a pas été prête, que mon cab est arrivé en retard, il y a toujours moyen de s’arrangerEt sous tous les souvenirs les plus doux de Swann, sous les paroles les plus simples que lui avait dites autrefois Odette, qu’il avait crues comme paroles d’évangile, sous les actions quotidiennes qu’elle lui avait racontées, sous les lieux les plus accoutumés, la maison de sa couturière, l’avenue du Bois, l’Hippodrome, il sentait (dissimulée à la faveur de cet excédent de temps qui dans les journées les plus détaillées laisse encore du jeu, de la place, et peut servir de cachette à certaines actions), il sentait s’insinuer la présence possible et souterraine de mensonges qui lui rendaient ignoble tout ce qui lui était resté le plus cher, ses meilleurs soirs, la rue La Pérouse elle-même, qu’Odette avait toujours quitter à d’autres heures que celles qu’elle lui avait dites, faisant circuler partout un peu de la ténébreuse horreur qu’il avait ressentie en entendant l’aveu relatif à la Maison Dorée, et, comme les bêtes immondes dans la Désolation de Ninive, ébranlant pierre à pierre tout son passé. 🔊

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