← Par un aveu! combien de fautes tu pourrais racheter! 🔊✎
← Mais toi seule peux adoucir par ton aveu ce qui me fait te haïr tant que cela ne m’a été dénoncé que par d’autres. 🔊✎
← Il avait beau savoir maintenant,—même, il eut beau, le temps passant, avoir un peu oublié, avoir pardonné—, au moment où il se redisait ses mots, la souffrance ancienne le refaisait tel qu’il était avant qu’Odette ne parlât: ignorant, confiant; sa cruelle jalousie le replaçait pour le faire frapper par l’aveu d’Odette dans la position de quelqu’un qui ne sait pas encore, et au bout de plusieurs mois cette vieille histoire le bouleversait toujours comme une révélation. 🔊✎
← D’ailleurs ses aveux même, quand elle lui en faisait, de fautes qu’elle le supposait avoir découvertes, servaient plutôt pour Swann de point de départ à de nouveaux doutes qu’ils ne mettaient un terme aux anciens. 🔊✎
← Et ces aveux il ne pouvait plus les oublier. Son âme les charriait, les rejetait, les berçait, comme des cadavres. Et elle en était empoisonnée. 🔊✎
← Il se rappela qu’elle lui avait dit un jour: «Je n’aurais qu’à dire à Mme Verdurin que ma robe n’a pas été prête, que mon cab est venu en retard. Il y a toujours moyen de s’arranger.» A lui aussi probablement, bien des fois où elle lui avait glissé de ces mots qui expliquent un retard, justifient un changement d’heure dans un rendezvous, ils avaient dû cacher sans qu’il s’en fût douté alors, quelque chose qu’elle avait à faire avec un autre à qui elle avait dit: «Je n’aurai qu’à dire à Swann que ma robe n’a pas été prête, que mon cab est arrivé en retard, il y a toujours moyen de s’arranger.» Et sous tous les souvenirs les plus doux de Swann, sous les paroles les plus simples que lui avait dites autrefois Odette, qu’il avait crues comme paroles d’évangile, sous les actions quotidiennes qu’elle lui avait racontées, sous les lieux les plus accoutumés, la maison de sa couturière, l’avenue du Bois, l’Hippodrome, il sentait (dissimulée à la faveur de cet excédent de temps qui dans les journées les plus détaillées laisse encore du jeu, de la place, et peut servir de cachette à certaines actions), il sentait s’insinuer la présence possible et souterraine de mensonges qui lui rendaient ignoble tout ce qui lui était resté le plus cher, ses meilleurs soirs, la rue La Pérouse elle-même, qu’Odette avait toujours dû quitter à d’autres heures que celles qu’elle lui avait dites, faisant circuler partout un peu de la ténébreuse horreur qu’il avait ressentie en entendant l’aveu relatif à la Maison Dorée, et, comme les bêtes immondes dans la Désolation de Ninive, ébranlant pierre à pierre tout son passé. 🔊✎