← Ce n’était pas seulement d’ailleurs la brillante phalange de vertueuses douairières, de généraux, d’académiciens, avec lesquels il était particulièrement lié, que Swann forçait avec tant de cynisme à lui servir d’entremetteurs. Tous ses amis avaient l’habitude de recevoir de temps en temps des lettres de lui où un mot de recommandation ou d’introduction leur était demandé avec une habileté diplomatique qui, persistant à travers les amours successives et les prétextes différents, accusait, plus que n’eussent fait les maladresses, un caractère permanent et des buts identiques. 🔊✎
← Mais à l’âge déjà un peu désabusé dont approchait Swann et où l’on sait se contenter d’être amoureux pour le plaisir de l’être sans trop exiger de réciprocité, ce rapprochement des cœurs, s’il n’est plus comme dans la première jeunesse le but vers lequel tend nécessairement l’amour, lui reste uni en revanche par une association d’idées si forte, qu’il peut en devenir la cause, s’il se présente avant lui. 🔊✎
← Depuis si longtemps il avait renoncé à appliquer sa vie à un but idéal et la bornait à la poursuite de satisfactions quotidiennes, qu’il croyait, sans jamais se le dire formellement, que cela ne changerait plus jusqu’à sa mort; bien plus, ne se sentant plus d’idées élevées dans l’esprit, il avait cessé de croire à leur réalité, sans pouvoir non plus la nier tout à fait. 🔊✎
← Le baron lui promit d’aller faire la visite qu’il désirait après qu’il l’aurait conduit jusqu’à la porte de l’hôtel Saint-Euverte, où Swann arriva tranquillisé par la pensée que M. de Charlus passerait la soirée rue La Pérouse, mais dans un état de mélancolique indifférence à toutes les choses qui ne touchaient pas Odette, et en particulier aux choses mondaines, qui leur donnait le charme de ce qui, n’étant plus un but pour notre volonté, nous apparaît en soi-même. 🔊✎
← O audace aussi géniale peut-être, se disait-il, que celle d’un Lavoisier, d’un Ampère, l’audace d’un Vinteuil expérimentant, découvrant les lois secrètes d’une force inconnue, menant à travers l’inexploré, vers le seul but possible, l’attelage invisible auquel il se fie et qu’il n’apercevra jamais.» Le beau dialogue que Swann entendit entre le piano et le violon au commencement du dernier morceau! 🔊✎