← Il allait les rejoindre n’importe où, quelquefois dans les restaurants de banlieue où on allait peu encore, car ce n’était pas la saison, plus souvent au théâtre, que Mme Verdurin aimait beaucoup, et comme un jour, chez elle, elle dit devant lui que pour les soirs de premières, de galas, un coupe-file leur eût été fort utile, que cela les avait beaucoup gênés de ne pas en avoir le jour de l’enterrement de Gambetta, Swann qui ne parlait jamais de ses relations brillantes, mais seulement de celles mal côtées qu’il eût jugé peu délicat de cacher, et au nombre desquelles il avait pris dans le faubourg Saint-Germain l’habitude de ranger les relations avec le monde officiel, répondit: 🔊✎
← Sans doute Swann avait pour Odette une affection trop particulière et dont il avait négligé de faire de Mme Verdurin la confidente quotidienne: sans doute la discrétion même avec laquelle il usait de l’hospitalité des Verdurin, s’abstenant souvent de venir dîner pour une raison qu’ils ne soupçonnaient pas et à la place de laquelle ils voyaient le désir de ne pas manquer une invitation chez des «ennuyeux», sans doute aussi, et malgré toutes les précautions qu’il avait prises pour la leur cacher, la découverte progressive qu’ils faisaient de sa brillante situation mondaine, tout cela contribuait à leur irritation contre lui. 🔊✎
← Celui-ci ne répondit pas et en se dérobant fit manquer la brillante joute que Mme Verdurin se réjouissait d’offrir à Forcheville. 🔊✎
← Et une fois ou deux il connut par de tels soirs de ces joies qu’on serait tenté, si elles ne subissaient avec tant de violence le choc en retour de l’inquiétude brusquement arrêtée, d’appeler des joies calmes, parce qu’elles consistent en un apaisement: il était allé passer un instant à un raout chez le peintre et s’apprêtait à le quitter; il y laissait Odette muée en une brillante étrangère, au milieu d’hommes à qui ses regards et sa gaieté qui n’étaient pas pour lui, semblaient parler de quelque volupté, qui serait goûtée là ou ailleurs (peut-être au «Bal des Incohérents» où il tremblait qu’elle n’allât ensuite) et qui causait à Swann plus de jalousie que l’union charnelle même parce qu’il l’imaginait plus difficilement; il était déjà prêt à passer la porte de l’atelier quand il s’entendait rappeler par ces mots (qui en retranchant de la fête cette fin qui l’épouvantait, la lui rendaient rétrospectivement innocente, faisaient du retour d’Odette une chose non plus inconcevable et terrible, mais douce et connue et qui tiendrait à côté de lui, pareille à un peu de sa vie de tous les jours, dans sa voiture, et dépouillait Odette elle-même de son apparence trop brillante et gaie, montraient que ce n’était qu’un déguisement qu’elle avait revêtu un moment, pour lui-même, non en vue de mystérieux plaisirs, et duquel elle était déjà lasse), par ces mots qu’Odette lui jetait, comme il était déjà sur le seuil: «Vous ne voudriez pas m’attendre cinq minutes, je vais partir, nous reviendrions ensemble, vous me ramèneriez chez moi.» 🔊✎
← Mais, à d’autres moments, sa douleur le reprenait, il s’imaginait qu’Odette était la maîtresse de Forcheville et que quand tous deux l’avaient vu, du fond du landau des Verdurin, au Bois, la veille de la fête de Chatou où il n’avait pas été invité, la prier vainement, avec cet air de désespoir qu’avait remarqué jusqu’à son cocher, de revenir avec lui, puis s’en retourner de son côté, seul et vaincu, elle avait dû avoir pour le désigner à Forcheville et lui dire: «Hein! ce qu’il rage!» les mêmes regards, brillants, malicieux, abaissés et sournois, que le jour où celui-ci avait chassé Saniette de chez les Verdurin. 🔊✎
← Mais, par les intimités déjà anciennes qu’il avait parmi eux, les gens du monde, dans une certaine mesure, faisaient aussi partie de sa maison, de son domestique et de sa famille. Il se sentait, à considérer ses brillantes amitiés, le même appui hors de lui-même, le même confort, qu’à regarder les belles terres, la belle argenterie, le beau linge de table, qui lui venaient des siens. 🔊✎
← De l’autre côté de Mme de Franquetot, mais un peu en avant, était la marquise de Gallardon, occupée à sa pensée favorite, l’alliance qu’elle avait avec les Guermantes et d’où elle tirait pour le monde et pour elle-même beaucoup de gloire avec quelque honte, les plus brillants d’entre eux la tenant un peu à l’écart, peut-être parce qu’elle était ennuyeuse, ou parce qu’elle était méchante, ou parce qu’elle était d’une branche inférieure, ou peut-être sans aucune raison. 🔊✎
← La princesse éclatant d’un rire qui lui était particulier et qui était destiné à la fois à montrer aux autres qu’elle se moquait de quelqu’un et aussi à se faire paraître plus jolie en concentrant les traits de son visage autour de sa bouche animée et de son regard brillant, lui répondit: —Mais le mieux du monde! Et elle rit encore. 🔊✎
← Ça doit être des «gens de la campagne»! Du reste, je ne sais pas si vous êtes très répandu dans la brillante société qui se trouve ici, mais je n’ai pas idée du nom de toutes ces étonnantes personnes. 🔊✎
← Aussi ses beaux-parents, qu’elle croyait encore les gens les plus brillants de France, déclaraient-ils qu’elle était un ange; d’autant plus qu’ils préféraient paraître, en la faisant épouser à leur fils, avoir cédé à l’attrait plutôt de ses qualités que de sa grande fortune. 🔊✎