← Puis, il appartenait à cette catégorie d’hommes intelligents qui ont vécu dans l’oisiveté et qui cherchent une consolation et peut-être une excuse dans l’idée que cette oisiveté offre à leur intelligence des objets aussi dignes d’intérêt que pourrait faire l’art ou l’étude, que la «Vie» contient des situations plus intéressantes, plus romanesques que tous les romans. Il l’assurait du moins et le persuadait aisément aux plus affinés de ses amis du monde notamment au baron de Charlus, qu’il s’amusait à égayer par le récit des aventures piquantes qui lui arrivaient, soit qu’ayant rencontré en chemin de fer une femme qu’il avait ensuite ramenée chez lui il eût découvert qu’elle était la sœur d’un souverain entre les mains de qui se mêlaient en ce moment tous les fils de la politique européenne, au courant de laquelle il se trouvait ainsi tenu d’une façon très agréable, soit que par le jeu complexe des circonstances, il dépendît du choix qu’allait faire le conclave, s’il pourrait ou non devenir l’amant d’une cuisinière. 🔊✎
← Laissant à gauche, au rez-de-chaussée surélevé, la chambre à coucher d’Odette qui donnait derrière sur une petite rue parallèle, un escalier droit entre des murs peints de couleur sombre et d’où tombaient des étoffes orientales, des fils de chapelets turcs et une grande lanterne japonaise suspendue à une cordelette de soie (mais qui, pour ne pas priver les visiteurs des derniers conforts de la civilisation occidentale s’éclairait au gaz), montait au salon et au petit salon. 🔊✎
← On commence même à en être un peu fatigué, ajouta-t-elle en voyant que Swann n’avait pas l’air aussi intéressé qu’elle aurait cru par une si brûlante actualité. Il faut avouer pourtant que cela donne quelquefois prétexte à des idées assez amusantes. Ainsi j’ai une de mes amies qui est très originale, quoique très jolie femme, très entourée, très lancée, et qui prétend qu’elle a fait faire chez elle cette salade japonaise, mais en faisant mettre tout ce qu’Alexandre Dumas fils dit dans la pièce. 🔊✎
← A cet égard cette personnalité, que lui attribuait ma grand’tante, de «fils Swann», distincte de sa personnalité plus individuelle de Charles Swann, était celle où il se plaisait maintenant le mieux. 🔊✎
← Certes, il avait trop longtemps oublié qu’il était le «fils Swann» pour ne pas ressentir quand il le redevenait un moment, un plaisir plus vif que ceux qu’il eût pu éprouver le reste du temps et sur lesquels il était blasé; et si l’amabilité des bourgeois, pour lesquels il restait surtout cela, était moins vive que celle de l’aristocratie (mais plus flatteuse d’ailleurs, car chez eux du moins elle ne se sépare jamais de la considération), une lettre d’altesse, quelques divertissements princiers qu’elle lui proposât, ne pouvait lui être aussi agréable que celle qui lui demandait d’être témoin, ou seulement d’assister à un mariage dans la famille de vieux amis de ses parents dont les uns avaient continué à le voir—comme mon grand-père qui, l’année précédente, l’avait invité au mariage de ma mère—et dont certains autres le connaissaient personnellement à peine mais se croyaient des devoirs de politesse envers le fils, envers le digne successeur de feu M. Swann. 🔊✎
← L’un d’eux, d’aspect particulièrement féroce et assez semblable à l’exécuteur dans certains tableaux de la Renaissance qui figurent des supplices, s’avança vers lui d’un air implacable pour lui prendre ses affaires. Mais la dureté de son regard d’acier était compensée par la douceur de ses gants de fil, si bien qu’en approchant de Swann il semblait témoigner du mépris pour sa personne et des égards pour son chapeau. 🔊✎
← Aussi ses beaux-parents, qu’elle croyait encore les gens les plus brillants de France, déclaraient-ils qu’elle était un ange; d’autant plus qu’ils préféraient paraître, en la faisant épouser à leur fils, avoir cédé à l’attrait plutôt de ses qualités que de sa grande fortune. 🔊✎