← Swann demanda à faire la connaissance de tout le monde, même d’un vieil ami des Verdurin, Saniette, à qui sa timidité, sa simplicité et son bon cœur avaient fait perdre partout la considération que lui avaient value sa science d’archiviste, sa grosse fortune, et la famille distinguée dont il sortait. 🔊✎
← Sans doute si on lui avait dit au début: «c’est ta situation qui lui plaît», et maintenant: «c’est pour ta fortune qu’elle t’aime», il ne l’aurait pas cru, et n’aurait pas été d’ailleurs très mécontent qu’on se la figurât tenant à lui,—qu’on les sentît unis l’un à l’autre—par quelque chose d’aussi fort que le snobisme ou l’argent. 🔊✎
← Aussi ses beaux-parents, qu’elle croyait encore les gens les plus brillants de France, déclaraient-ils qu’elle était un ange; d’autant plus qu’ils préféraient paraître, en la faisant épouser à leur fils, avoir cédé à l’attrait plutôt de ses qualités que de sa grande fortune. 🔊✎
← Alors encore tout ému de son rêve, il bénit les circonstances particulières qui le rendaient indépendant, grâce auxquelles il pouvait rester près d’Odette, et aussi réussir à ce qu’elle lui permît de la voir quelquefois; et, récapitulant tous ces avantages: sa situation,—sa fortune, dont elle avait souvent trop besoin pour ne pas reculer devant une rupture (ayant même, disait-on, une arrière-pensée de se faire épouser par lui),—cette amitié de M. de Charlus, qui à vrai dire ne lui avait jamais fait obtenir grand’chose d’Odette, mais lui donnait la douceur de sentir qu’elle entendait parler de lui d’une manière flatteuse par cet ami commun pour qui elle avait une si grande estime—et jusqu’à son intelligence enfin, qu’il employait tout entière à combiner chaque jour une intrigue nouvelle qui rendît sa présence sinon agréable, du moins nécessaire à Odette—il songea à ce qu’il serait devenu si tout cela lui avait manqué, il songea que s’il avait été, comme tant d’autres, pauvre, humble, dénué, obligé d’accepter toute besogne, ou lié à des parents, à une épouse, il aurait pu être obligé de quitter Odette, que ce rêve dont l’effroi était encore si proche aurait pu être vrai, et il se dit: «On ne connaît pas son bonheur. 🔊✎
← Et puis comment ne pas supposer que nos domestiques, vivant dans une situation inférieure à la nôtre, ajoutant à notre fortune et à nos défauts des richesses et des vices imaginaires pour lesquels ils nous envient et nous méprisent, se trouveront fatalement amenés à agir autrement que des gens de notre monde. 🔊✎