← Comme nous possédons sa chanson, gravée en nous tout entière, nous n’avons pas besoin qu’une femme nous en dise le début—rempli par l’admiration qu’inspire la beauté—, pour en trouver la suite. Et si elle commence au milieu,—là où les cœurs se rapprochent, où l’on parle de n’exister plus que l’un pour l’autre—, nous avons assez l’habitude de cette musique pour rejoindre tout de suite notre partenaire au passage où elle nous attend. 🔊✎
← Mais rentré chez lui il eut besoin d’elle, il était comme un homme dans la vie de qui une passante qu’il a aperçue un moment vient de faire entrer l’image d’une beauté nouvelle qui donne à sa propre sensibilité une valeur plus grande, sans qu’il sache seulement s’il pourra revoir jamais celle qu’il aime déjà et dont il ignore jusqu’au nom. 🔊✎
← Il n’est même pas besoin qu’il nous plût jusque-là plus ou même autant que d’autres. 🔊✎
← Si elle avait des catleyas à son corsage, il disait: «C’est malheureux, ce soir, les catleyas n’ont pas besoin d’être arrangés, ils n’ont pas été déplacés comme l’autre soir; il me semble pourtant que celui-ci n’est pas très droit. 🔊✎
← Il n’y avait pas besoin qu’on eût réellement ces goûts pourvu qu’on les proclamât; d’un homme qui lui avait avoué à dîner qu’il aimait à flâner, à se salir les doigts dans les vieilles boutiques, qu’il ne serait jamais apprécié par ce siècle commercial, car il ne se souciait pas de ses intérêts et qu’il était pour cela d’un autre temps, elle revenait en disant: «Mais c’est une âme adorable, un sensible, je ne m’en étais jamais doutée!» et elle se sentait pour lui une immense et soudaine amitié. 🔊✎
← Certes Swann avait souvent pensé qu’Odette n’était à aucun degré une femme remarquable; et la suprématie qu’il exerçait sur un être qui lui était si inférieur n’avait rien qui dût lui paraître si flatteur à voir proclamer à la face des «fidèles», mais depuis qu’il s’était aperçu qu’à beaucoup d’hommes Odette semblait une femme ravissante et désirable, le charme qu’avait pour eux son corps avait éveillé en lui un besoin douloureux de la maîtriser entièrement dans les moindres parties de son cœur. Et il avait commencé d’attacher un prix inestimable à ces moments passés chez elle le soir, où il l’asseyait sur ses genoux, lui faisait dire ce qu’elle pensait d’une chose, d’une autre, où il recensait les seuls biens à la possession desquels il tînt maintenant sur terre. Aussi, après ce dîner, la prenant à part, il ne manqua pas de la remercier avec effusion, cherchant à lui enseigner selon les degrés de la reconnaissance qu’il lui témoignait, l’échelle des plaisirs qu’elle pouvait lui causer, et dont le suprême était de le garantir, pendant le temps que son amour durerait et l’y rendrait vulnérable, des atteintes de la jalousie. 🔊✎
← Encore les payait-il (se demandant à la fin du mois, pour peu qu’il eût un peu abusé de sa patience et fût allé souvent la voir, si c’était assez de lui envoyer quatre mille francs), et pour chacune trouvait un prétexte, un présent à lui apporter, un renseignement dont elle avait besoin, M. de Charlus qu’elle avait rencontré allant chez elle, et qui avait exigé qu’il l’accompagnât. 🔊✎
← Pour les choses importantes, Swann et la princesse n’avaient les mêmes idées sur rien. Mais depuis que Swann était si triste, ressentant toujours cette espèce de frisson qui précède le moment où l’on va pleurer, il avait le même besoin de parler du chagrin qu’un assassin a de parler de son crime. 🔊✎
← Hélas, il se rappela l’accent dont elle s’était écriée: «Mais je pourrai toujours vous voir, je suis toujours libre!» elle qui ne l’était plus jamais! l’intérêt, la curiosité qu’elle avait eus pour sa vie à lui, le désir passionné qu’il lui fit la faveur,—redoutée au contraire par lui en ce temps-là comme une cause d’ennuyeux dérangements—de l’y laisser pénétrer; comme elle avait été obligée de le prier pour qu’il se laissât mener chez les Verdurin; et, quand il la faisait venir chez lui une fois par mois, comme il avait fallu, avant qu’il se laissât fléchir, qu’elle lui répétât le délice que serait cette habitude de se voir tous les jours dont elle rêvait alors qu’elle ne lui semblait à lui qu’un fastidieux tracas, puis qu’elle avait prise en dégoût et définitivement rompue, pendant qu’elle était devenue pour lui un si invincible et si douloureux besoin. 🔊✎
← J’aurais voulu que tu voies comme je l’ai reçue, ma femme de chambre qui m’entendait de la pièce voisine m’a dit que je criais à tue-tête: «Mais puisque je vous dis que je ne veux pas! C’est une idée comme ça, ça ne me plaît pas. Je pense que je suis libre de faire ce que je veux tout de même! Si j’avais besoin d’argent, je comprends...» Le concierge a ordre de ne plus la laisser entrer, il dira que je suis à la campagne. Ah! j’aurais voulu que tu sois caché quelque part. Je crois que tu aurais été content, mon chéri. 🔊✎