← Elle lui avait proposé aussitôt des voluptés particulières, dont il n’avait jamais eu l’idée avant de l’entendre, dont il sentait que rien autre qu’elle ne pourrait les lui faire connaître, et il avait éprouvé pour elle comme un amour inconnu. 🔊✎
← Puis sans qu’il s’en rendît compte, cette certitude qu’elle l’attendait, qu’elle n’était pas ailleurs avec d’autres, qu’il ne reviendrait pas sans l’avoir vue, neutralisait cette angoisse oubliée mais toujours prête à renaître qu’il avait éprouvée le soir où Odette n’était plus chez les Verdurin et dont l’apaisement actuel était si doux que cela pouvait s’appeler du bonheur. 🔊✎
← Alors en songeant que rien qu’en venant à une heure où il n’en avait pas l’habitude, il s’était trouvé déranger tant de choses qu’elle ne voulait pas qu’il sût, il éprouva un sentiment de découragement, presque de détresse. 🔊✎
← Certes il trouvait des raisons valables à son ressentiment contre elle, mais elles n’auraient pas suffi à le lui faire éprouver s’il ne l’avait pas autant aimée. 🔊✎
← Si Forcheville et elle triomphaient d’être là-bas malgré lui, c’est lui qui l’aurait voulu en cherchant inutilement à l’empêcher d’y aller, tandis que s’il avait approuvé son projet, d’ailleurs défendable, elle aurait eu l’air d’être là-bas d’après son avis, elle s’y serait sentie envoyée, logée par lui, et le plaisir qu’elle aurait éprouvé à recevoir ces gens qui l’avaient tant reçue, c’est à Swann qu’elle en aurait su gré. 🔊✎
← Même quand il ne pouvait savoir où elle était allée, il lui aurait suffi pour calmer l’angoisse qu’il éprouvait alors, et contre laquelle la présence d’Odette, la douceur d’être auprès d’elle était le seul spécifique (un spécifique qui à la longue aggravait le mal avec bien des remèdes, mais du moins calmait momentanément la souffrance), il lui aurait suffi, si Odette l’avait seulement permis, de rester chez elle tant qu’elle ne serait pas là, de l’attendre jusqu’à cette heure du retour dans l’apaisement de laquelle seraient venues se confondre les heures qu’un prestige, un maléfice lui avaient fait croire différentes des autres. 🔊✎
← En entendant la princesse lui dire que la vie était une chose affreuse, il éprouva la même douceur que si elle lui avait parlé d’Odette. 🔊✎
← Tout le bonheur de la vie est appuyé là-dessus.» Swann s’étonnait que de simples phrases épelées par sa pensée, comme «Cette blague!», «Je voyais bien où elle voulait en venir» pussent lui faire si mal. Mais il comprenait que ce qu’il croyait de simples phrases n’était que les pièces de l’armature entre lesquelles tenait, pouvait lui être rendue, la souffrance qu’il avait éprouvée pendant le récit d’Odette. 🔊✎
← Car c’était bien cette souffrance-là qu’il éprouvait de nouveau. 🔊✎
← Mais ce qui lui semblait l’avoir été, c’était ce qui avait eu lieu, et il n’était pas loin de voir quelque chose de providentiel dans ce qu’il se fût décidé à aller à la soirée de Mme de Saint-Euverte, parce que son esprit désireux d’admirer la richesse d’invention de la vie et incapable de se poser longtemps une question difficile, comme de savoir ce qui eût été le plus à souhaiter, considérait dans les souffrances qu’il avait éprouvées ce soir-là et les plaisirs encore insoupçonnés qui germaient déjà,—et entre lesquels la balance était trop difficile à établir—, une sorte d’enchaînement nécessaire. 🔊✎