étranger

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Le reste du temps on se contentait de jouer des charades, de souper en costumes, mais entre soi, en ne mêlant aucun étranger au petit «noyau». 🔊

Qu’avez-vous besoin du reste? lui avait-elle dit. C’est ça notre morceauEt même, souffrant de songer, au moment elle passait si proche et pourtant à l’infini, que tandis qu’elle s’adressait à eux, elle ne les connaissait pas, il regrettait presque qu’elle eût une signification, une beauté intrinsèque et fixe, étrangère à eux, comme en des bijoux donnés, ou même en des lettres écrites par une femme aimée, nous en voulons à l’eau de la gemme, et aux mots du langage, de ne pas être faits uniquement de l’essence d’une liaison passagère et d’un être particulier. 🔊

Grand repos, mystérieuse rénovation pour Swann,—pour lui dont les yeux quoique délicats amateurs de peinture, dont l’esprit quoique fin observateur de mœurs, portaient à jamais la trace indélébile de la sécheresse de sa viede se sentir transformé en une créature étrangère à l’humanité, aveugle, dépourvue de facultés logiques, presque une fantastique licorne, une créature chimérique ne percevant le monde que par l’ouïe. 🔊

Et comme dans la petite phrase il cherchait cependant un sens son intelligence ne pouvait descendre, quelle étrange ivresse il avait à dépouiller son âme la plus intérieure de tous les secours du raisonnement et à la faire passer seule dans le couloir, dans le filtre obscur du son. 🔊

Il est vrai que la marquise avait une autre raison, et qui pour elle devait primer celle-là, car gendelettre dans l’âme, elle faisait passer la copie avant tout. Or dans le journal qu’elle envoyait régulièrement à sa fille, c’est Mme de la Trémouaille, bien documentée par ses grandes alliances, qui faisait la politique étrangère. —Mais non, je ne crois pas que ce soit la même famille, dit à tout hasard Mme Verdurin. 🔊

Et une fois ou deux il connut par de tels soirs de ces joies qu’on serait tenté, si elles ne subissaient avec tant de violence le choc en retour de l’inquiétude brusquement arrêtée, d’appeler des joies calmes, parce qu’elles consistent en un apaisement: il était allé passer un instant à un raout chez le peintre et s’apprêtait à le quitter; il y laissait Odette muée en une brillante étrangère, au milieu d’hommes à qui ses regards et sa gaieté qui n’étaient pas pour lui, semblaient parler de quelque volupté, qui serait goûtée ou ailleurs (peut-être au «Bal des Incohérents» il tremblait qu’elle n’allât ensuite) et qui causait à Swann plus de jalousie que l’union charnelle même parce qu’il l’imaginait plus difficilement; il était déjà prêt à passer la porte de l’atelier quand il s’entendait rappeler par ces mots (qui en retranchant de la fête cette fin qui l’épouvantait, la lui rendaient rétrospectivement innocente, faisaient du retour d’Odette une chose non plus inconcevable et terrible, mais douce et connue et qui tiendrait à côté de lui, pareille à un peu de sa vie de tous les jours, dans sa voiture, et dépouillait Odette elle-même de son apparence trop brillante et gaie, montraient que ce n’était qu’un déguisement qu’elle avait revêtu un moment, pour lui-même, non en vue de mystérieux plaisirs, et duquel elle était déjà lasse), par ces mots qu’Odette lui jetait, comme il était déjà sur le seuil: «Vous ne voudriez pas m’attendre cinq minutes, je vais partir, nous reviendrions ensemble, vous me ramèneriez chez moi🔊

Et dans la faible mesure ce détachement n’était pas absolu, la raison de ce plaisir nouveau que goûtait Swann, c’était de pouvoir émigrer un moment dans les rares parties de lui-même restées presque étrangères à son amour, à son chagrin. 🔊

Vivant dans une famille provinciale qui avait peu de relations, n’allant guère au bal, elle s’était grisée dans la solitude de son manoir, à ralentir, à précipiter la danse de tous ces couples imaginaires, à les égrener comme des fleurs, à quitter un moment le bal pour entendre le vent souffler dans les sapins, au bord du lac, et à y voir tout d’un coup s’avancer, plus différent de tout ce qu’on a jamais rêvé que ne sont les amants de la terre, un mince jeune homme à la voix un peu chantante, étrangère et fausse, en gants blancs. 🔊

Car, d’images incomplètes et changeantes Swann endormi tirait des déductions fausses, ayant d’ailleurs momentanément un tel pouvoir créateur qu’il se reproduisait par simple division comme certains organismes inférieurs; avec la chaleur sentie de sa propre paume il modelait le creux d’une main étrangère qu’il croyait serrer et, de sentiments et d’impressions dont il n’avait pas conscience encore faisait naître comme des péripéties qui, par leur enchaînement logique amèneraient à point nommé dans le sommeil de Swann le personnage nécessaire pour recevoir son amour ou provoquer son réveil. 🔊

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