fille

www.linternaute.fr

Mais Swann aimait tellement les femmes, qu’à partir du jour il avait connu à peu près toutes celles de l’aristocratie et elles n’avaient plus rien eu à lui apprendre, il n’avait plus tenu à ces lettres de naturalisation, presque des titres de noblesse, que lui avait octroyées le faubourg Saint-Germain, que comme à une sorte de valeur d’échange, de lettre de crédit dénuée de prix en elle-même, mais lui permettant de s’improviser une situation dans tel petit trou de province ou tel milieu obscur de Paris, la fille du hobereau ou du greffier lui avait semblé jolie. 🔊

Je me suis souvent fait raconter bien des années plus tard, quand je commençai à m’intéresser à son caractère à cause des ressemblances qu’en de tout autres parties il offrait avec le mien, que quand il écrivait à mon grand-père (qui ne l’était pas encore, car c’est vers l’époque de ma naissance que commença la grande liaison de Swann et elle interrompit longtemps ces pratiques) celui-ci, en reconnaissant sur l’enveloppe l’écriture de son ami, s’écriait: «Voilà Swann qui va demander quelque chose: à la gardeEt soit méfiance, soit par le sentiment inconsciemment diabolique qui nous pousse à n’offrir une chose qu’aux gens qui n’en ont pas envie, mes grands-parents opposaient une fin de non-recevoir absolue aux prières les plus faciles à satisfaire qu’il leur adressait, comme de le présenter à une jeune fille qui dînait tous les dimanches à la maison, et qu’ils étaient obligés, chaque fois que Swann leur en reparlait, de faire semblant de ne plus voir, alors que pendant toute la semaine on se demandait qui on pourrait bien inviter avec elle, finissant souvent par ne trouver personne, faute de faire signe à celui qui en eût été si heureux. 🔊

Il plaça sur sa table de travail, comme une photographie d’Odette, une reproduction de la fille de Jéthro. 🔊

Cette vague sympathie qui nous porte vers un chef-d’œuvre que nous regardons, maintenant qu’il connaissait l’original charnel de la fille de Jéthro, elle devenait un désir qui suppléa désormais à celui que le corps d’Odette ne lui avait pas d’abord inspiré. 🔊

Il souriait seulement quelquefois en pensant qu’il y a quelques années, quand il ne la connaissait pas, on lui avait parlé d’une femme, qui, s’il se rappelait bien, devait certainement être elle, comme d’une fille, d’une femme entretenue, une de ces femmes auxquelles il attribuait encore, comme il avait peu vécu dans leur société, le caractère entier, foncièrement pervers, dont les dota longtemps l’imagination de certains romanciers. 🔊

Il est vrai que la marquise avait une autre raison, et qui pour elle devait primer celle-là, car gendelettre dans l’âme, elle faisait passer la copie avant tout. Or dans le journal qu’elle envoyait régulièrement à sa fille, c’est Mme de la Trémouaille, bien documentée par ses grandes alliances, qui faisait la politique étrangère. —Mais non, je ne crois pas que ce soit la même famille, dit à tout hasard Mme Verdurin. 🔊

Quand il parlait d’aller à une fête de charité, à un vernissage, à une première, elle serait, elle lui disait qu’il voulait afficher leur liaison, qu’il la traitait comme une fille. C’est au point que pour tâcher de n’être pas partout privé de la rencontrer, Swann qui savait qu’elle connaissait et affectionnait beaucoup mon grand-oncle Adolphe dont il avait été lui-même l’ami, alla le voir un jour dans son petit appartement de la rue de Bellechasse afin de lui demander d’user de son influence sur Odette. 🔊

Quelquefois il allait dans des maisons de rendez-vous, espérant apprendre quelque chose d’elle, sans oser la nommer cependant. «J’ai une petite qui va vous plaire», disait l’entremetteuseEt il restait une heure à causer tristement avec quelque pauvre fille étonnée qu’il ne fit rien de plus. 🔊

Pour sûr! ça dépend des caractèresSwann ne pouvait s’empêcher de dire à ces filles les mêmes choses qui auraient plu à la princesse des Laumes. 🔊

Je vous quitte, je suis discrèteEt elle laissa Swann avec la fille qui avait les yeux bleus. 🔊

Frequency index

Alphabetical index