← Pour faire partie du «petit noyau», du «petit groupe», du «petit clan» des Verdurin, une condition était suffisante mais elle était nécessaire: il fallait adhérer tacitement à un Credo dont un des articles était que le jeune pianiste, protégé par Mme Verdurin cette année-là et dont elle disait: «Ça ne devrait pas être permis de savoir jouer Wagner comme ça!», «enfonçait» à la fois Planté et Rubinstein et que le docteur Cottard avait plus de diagnostic que Potain. 🔊✎
← Le reste du temps on se contentait de jouer des charades, de souper en costumes, mais entre soi, en ne mêlant aucun étranger au petit «noyau». 🔊✎
← Certes le «petit noyau» n’avait aucun rapport avec la société où fréquentait Swann, et de purs mondains auraient trouvé que ce n’était pas la peine d’y occuper comme lui une situation exceptionnelle pour se faire présenter chez les Verdurin. 🔊✎
← Si l’on n’avait pas arrangé une partie au dehors, c’est chez les Verdurin que Swann retrouvait le petit noyau, mais il ne venait que le soir et n’acceptait presque jamais à dîner malgré les instances d’Odette. 🔊✎
← Là, comme au fond de tous les divertissements, repas, musique, jeux, soupers costumés, parties de campagne, parties de théâtre, même les rares «grandes soirées» données pour les «ennuyeux», il y avait la présence d’Odette, la vue d’Odette, la conversation avec Odette, dont les Verdurin faisaient à Swann, en l’invitant, le don inestimable, il se plaisait mieux que partout ailleurs dans le «petit noyau», et cherchait à lui attribuer des mérites réels, car il s’imaginait ainsi que par goût il le fréquenterait toute sa vie. 🔊✎
← Ils lui auraient pardonné de fréquenter des ennuyeux (auxquels d’ailleurs, dans le fond de son cœur, il préférait mille fois les Verdurin et tout le petit noyau) s’il avait consenti, pour le bon exemple, à les renier en présence des fidèles. Mais c’est une abjuration qu’ils comprirent qu’on ne pourrait pas lui arracher. 🔊✎
← Si bien que Mme Verdurin, sentant que, par ce seul infidèle, elle serait empêchée de réaliser l’unité morale du petit noyau, ne put pas s’empêcher dans sa rage contre cet obstiné qui ne voyait pas combien ses paroles la faisaient souffrir, de lui crier du fond du cœur: —Trouvez-le si vous voulez, mais du moins ne nous le dites pas. 🔊✎
← Il parlait seul, à haute voix, et sur le même ton un peu factice qu’il avait pris jusqu’ici quand il détaillait les charmes du petit noyau et exaltait la magnanimité des Verdurin. 🔊✎
← En somme la vie qu’on menait chez les Verdurin et qu’il avait appelée si souvent «la vraie vie», lui semblait la pire de toutes, et leur petit noyau le dernier des milieux. «C’est vraiment, disait-il, ce qu’il y a de plus bas dans l’échelle sociale, le dernier cercle de Dante. Nul doute que le texte auguste ne se réfère aux Verdurin! 🔊✎