← L’année précédente, dans une soirée, il avait entendu une œuvre musicale exécutée au piano et au violon. 🔊✎
← Et ç’avait déjà été un grand plaisir quand au-dessous de la petite ligne du violon mince, résistante, dense et directrice, il avait vu tout d’un coup chercher à s’élever en un clapotement liquide, la masse de la partie de piano, multiforme, indivise, plane et entrechoquée comme la mauve agitation des flots que charme et bémolise le clair de lune. 🔊✎
← Mais maintenant il pouvait demander le nom de son inconnue (on lui dit que c’était l’andante de la sonate pour piano et violon de Vinteuil), il la tenait, il pourrait l’avoir chez lui aussi souvent qu’il voudrait, essayer d’apprendre son langage et son secret. 🔊✎
← Il commençait par la tenue des trémolos de violon que pendant quelques mesures on entend seuls, occupant tout le premier plan, puis tout d’un coup ils semblaient s’écarter et comme dans ces tableaux de Pieter de Hooch, qu’approfondit le cadre étroit d’une porte entr’ouverte, tout au loin, d’une couleur autre, dans le velouté d’une lumière interposée, la petite phrase apparaissait, dansante, pastorale, intercalée, épisodique, appartenant à un autre monde. 🔊✎
← Mais ils se turent; sous l’agitation des trémolos de violon qui la protégeaient de leur tenue frémissante à deux octaves de là—et comme dans un pays de montagne, derrière l’immobilité apparente et vertigineuse d’une cascade, on aperçoit, deux cents pieds plus bas, la forme minuscule d’une promeneuse—la petite phrase venait d’apparaître, lointaine, gracieuse, protégée par le long déferlement du rideau transparent, incessant et sonore. 🔊✎
← C’est que le violon était monté à des notes hautes où il restait comme pour une attente, une attente qui se prolongeait sans qu’il cessât de les tenir, dans l’exaltation où il était d’apercevoir déjà l’objet de son attente qui s’approchait, et avec un effort désespéré pour tâcher de durer jusqu’à son arrivée, de l’accueillir avant d’expirer, de lui maintenir encore un moment de toutes ses dernières forces le chemin ouvert pour qu’il pût passer, comme on soutient une porte qui sans cela retomberait. 🔊✎
← Il y a dans le violon,—si ne voyant pas l’instrument, on ne peut pas rapporter ce qu’on entend à son image laquelle modifie la sonorité—des accents qui lui sont si communs avec certaines voix de contralto, qu’on a l’illusion qu’une chanteuse s’est ajoutée au concert. 🔊✎
← O audace aussi géniale peut-être, se disait-il, que celle d’un Lavoisier, d’un Ampère, l’audace d’un Vinteuil expérimentant, découvrant les lois secrètes d’une force inconnue, menant à travers l’inexploré, vers le seul but possible, l’attelage invisible auquel il se fie et qu’il n’apercevra jamais.» Le beau dialogue que Swann entendit entre le piano et le violon au commencement du dernier morceau! 🔊✎
← D’abord le piano solitaire se plaignit, comme un oiseau abandonné de sa compagne; le violon l’entendit, lui répondit comme d’un arbre voisin. 🔊✎