extérieur

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Mais cette joie que sa raison n’avait cessé d’estimer, pour ce soir, irréalisable, ne lui en paraissait maintenant que plus réelle; car, il n’y avait pas collaboré par la prévision des vraisemblances, elle lui restait extérieure; il n’avait pas besoin de tirer de son esprit pour la lui fournir,—c’est d’elle-même qu’émanait, c’est elle-même qui projetait vers luicette vérité qui rayonnait au point de dissiper comme un songe l’isolement qu’il avait redouté, et sur laquelle il appuyait, il reposait, sans penser, sa rêverie heureuse. 🔊

La petite phrase continuait à s’associer pour Swann à l’amour qu’il avait pour Odette. Il sentait bien que cet amour, c’était quelque chose qui ne correspondait à rien d’extérieur, de constatable par d’autres que lui; il se rendait compte que les qualités d’Odette ne justifiaient pas qu’il attachât tant de prix aux moments passés auprès d’elle. 🔊

Mais la petite phrase, dès qu’il l’entendait, savait rendre libre en lui l’espace qui pour elle était nécessaire, les proportions de l’âme de Swann s’en trouvaient changées; une marge y était réservée à une jouissance qui elle non plus ne correspondait à aucun objet extérieur et qui pourtant au lieu d’être purement individuelle comme celle de l’amour, s’imposait à Swann comme une réalité supérieure aux choses concrètes. 🔊

Pour l’instant, en la comblant de présents, en lui rendant des services, il pouvait se reposer sur des avantages extérieurs à sa personne, à son intelligence, du soin épuisant de lui plaire par lui-même. 🔊

Et comment n’aurait-il pas été misanthrope quand dans tout homme il voyait un amant possible pour Odette? Et ainsi sa jalousie plus encore que n’avait fait le goût voluptueux et riant qu’il avait d’abord pour Odette, altérait le caractère de Swann et changeait du tout au tout, aux yeux des autres, l’aspect même des signes extérieurs par lesquels ce caractère se manifestait. 🔊

Il fatiguait la pensée de Swann, lequel, se passant la main sur les yeux, s’écriait: «À la grâce de Dieu», comme ceux qui après s’être acharnés à étreindre le problème de la réalité du monde extérieur ou de l’immortalité de l’âme accordent la détente d’un acte de foi à leur cerveau lassé. 🔊

Idée incomplète,—d’autant plus profonde peut-êtresi on la jugeait du point de vue de Swann qui eût sans doute trouvé qu’il était incompris d’Odette, comme un morphinomane ou un tuberculeux, persuadés qu’ils ont été arrêtés, l’un par un événement extérieur au moment il allait se délivrer de son habitude invétérée, l’autre par une indisposition accidentelle au moment il allait être enfin rétabli, se sentent incompris du médecin qui n’attache pas la même importance qu’eux à ces prétendues contingences, simples déguisements, selon lui, revêtus, pour redevenir sensibles à ses malades, par le vice et l’état morbide qui, en réalité, n’ont pas cessé de peser incurablement sur eux tandis qu’ils berçaient des rêves de sagesse ou de guérison. Et de fait, l’amour de Swann en était arrivé à ce degré le médecin et, dans certaines affections, le chirurgien le plus audacieux, se demandent si priver un malade de son vice ou lui ôter son mal, est encore raisonnable ou même possible. 🔊

Ces réputations-là, même vraies, sont faites avec les idées des autres»; il pensait que cette légendefût-elle authentiqueétait extérieure à Odette, n’était pas en elle comme une personnalité irréductible et malfaisante; que la créature qui avait pu être amenée à mal faire, c’était une femme aux bons yeux, au cœur plein de pitié pour la souffrance, au corps docile qu’il avait tenu, qu’il avait serré dans ses bras et manié, une femme qu’il pourrait arriver un jour à posséder toute, s’il réussissait à se rendre indispensable à elle. 🔊

Il souffrait de rester enfermé au milieu de ces gens dont la bêtise et les ridicules le frappaient d’autant plus douloureusement qu’ignorant son amour, incapables, s’ils l’avaient connu, de s’y intéresser et de faire autre chose que d’en sourire comme d’un enfantillage ou de le déplorer comme une folie, ils le lui faisaient apparaître sous l’aspect d’un état subjectif qui n’existait que pour lui, dont rien d’extérieur ne lui affirmait la réalité; il souffrait surtout, et au point que même le son des instruments lui donnait envie de crier, de prolonger son exil dans ce lieu Odette ne viendrait jamais, personne, rien ne la connaissait, d’ elle était entièrement absente. 🔊

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