← En effet ayant retenu que dans la conversation l’emphase, l’emploi de formes solennelles, était suranné, dès qu’il entendait un mot grave dit sérieusement comme venait de l’être le mot «bonheur», il croyait que celui qui l’avait prononcé venait de se montrer prudhommesque. 🔊✎
← Il n’allait chez elle que le soir, et il ne savait rien de l’emploi de son temps pendant le jour, pas plus que de son passé, au point qu’il lui manquait même ce petit renseignement initial qui, en nous permettant de nous imaginer ce que nous ne savons pas, nous donne envie de le connaître. 🔊✎
← Certes, elle avait la prétention d’aimer les «antiquités» et prenait un air ravi et fin pour dire qu’elle adorait passer toute une journée à «bibeloter», à chercher «du bric-à-brac», des choses «du temps». Bien qu’elle s’entêtât dans une sorte de point d’honneur (et semblât pratiquer quelque précepte familial) en ne répondant jamais aux questions et en ne «rendant pas de comptes» sur l’emploi de ses journées, elle parla une fois à Swann d’une amie qui l’avait invitée et chez qui tout était «de l’époque». Mais Swann ne put arriver à lui faire dire quelle était cette époque. Pourtant, après avoir réfléchi, elle répondit que c’était «moyenâgeux». Elle entendait par là qu’il y avait des boiseries. 🔊✎
← Swann trouvait sage de faire dans sa vie la part de la souffrance qu’il éprouvait à ignorer ce qu’avait fait Odette, aussi bien que la part de la recrudescence qu’un climat humide causait à son eczéma; de prévoir dans son budget une disponibilité importante pour obtenir sur l’emploi des journées d’Odette des renseignements sans lesquels il se sentirait malheureux, aussi bien qu’il en réservait pour d’autres goûts dont il savait qu’il pouvait attendre du plaisir, au moins avant qu’il fût amoureux, comme celui des collections et de la bonne cuisine. 🔊✎
← Car la tendresse de Swann continuait à garder le même caractère que lui avait imprimé dès le début à la fois l’ignorance où il était de l’emploi des journées d’Odette et la paresse cérébrale qui l’empêchait de suppléer à l’ignorance par l’imagination. 🔊✎
← L’entendait-il citer un nom, c’était certainement celui d’un de ses amants; une fois cette supposition forgée, il passait des semaines à se désoler; il s’aboucha même une fois avec une agence de renseignements pour savoir l’adresse, l’emploi du temps de l’inconnu qui ne le laisserait respirer que quand il serait parti en voyage, et dont il finit par apprendre que c’était un oncle d’Odette mort depuis vingt ans. 🔊✎