← On ne se gênait guère pour l’envoyer quérir dès qu’on avait besoin d’une recette de sauce gribiche ou de salade à l’ananas pour des grands dîners où on ne l’invitait pas, ne lui trouvant pas un prestige suffisant pour qu’on pût le servir à des étrangers qui venaient pour la première fois. 🔊✎
← C’est dans le volume sur son ambassade d’Espagne; ce n’est pas un des meilleurs, ce n’est guère qu’un journal, mais du moins un journal merveilleusement écrit, ce qui fait déjà une première différence avec les assommants journaux que nous nous croyons obligés de lire matin et soir.» «Je ne suis pas de votre avis, il y a des jours où la lecture des journaux me semble fort agréable...», interrompit ma tante Flora, pour montrer qu’elle avait lu la phrase sur le Corot de Swann dans le Figaro. « 🔊✎
← Ses visites étaient la grande distraction de ma tante Léonie qui ne recevait plus guère personne d’autre, en dehors de M. le Curé. 🔊✎
← Mais dans cette fresque-là encore, le symbole tient tant de place et est représenté comme si réel, le serpent qui siffle aux lèvres de l’Envie est si gros, il lui remplit si complètement sa bouche grande ouverte, que les muscles de sa figure sont distendus pour pouvoir le contenir, comme ceux d’un enfant qui gonfle un ballon avec son souffle, et que l’attention de l’Envie—et la nôtre du même coup—tout entière concentrée sur l’action de ses lèvres, n’a guère de temps à donner à d’envieuses pensées. 🔊✎
← Par le choix qu’en avait fait l’auteur, par la foi avec laquelle ma pensée allait au-devant de sa parole comme d’une révélation, ils me semblaient être—impression que ne me donnait guère le pays où je me trouvais, et surtout notre jardin, produit sans prestige de la correcte fantaisie du jardinier que méprisait ma grand’mère—une part véritable de la Nature elle-même, digne d’être étudiée et approfondie. 🔊✎
← Vous reconnaissez vous-même qu’il vient là avec sa tenue toute simple qui n’est guère celle d’un mondain.» Elle déclarait qu’en tous cas, et à tout mettre au pis, s’il l’avait été, mieux valait ne pas avoir l’air de s’en être aperçu. 🔊✎
← Il n’y a guère que dans la Manche, entre Normandie et Bretagne, que j’ai pu faire de plus riches observations sur cette sorte de règne végétal de l’atmosphère. 🔊✎
← Cet automne-là tout occupés des formalités à remplir, des entretiens avec les notaires et avec les fermiers, mes parents n’ayant guère de loisir pour faire des sorties que le temps d’ailleurs contrariait, prirent l’habitude de me laisser aller me promener sans eux du côté de Méséglise, enveloppé dans un grand plaid qui me protégeait contre la pluie et que je jetais d’autant plus volontiers sur mes épaules que je sentais que ses rayures écossaises scandalisaient Françoise, dans l’esprit de qui on n’aurait pu faire entrer l’idée que la couleur des vêtements n’a rien à faire avec le deuil et à qui d’ailleurs le chagrin que nous avions de la mort de ma tante plaisait peu, parce que nous n’avions pas donné de grand repas funèbre, que nous ne prenions pas un son de voix spécial pour parler d’elle, que même parfois je chantonnais. 🔊✎
← Ma mère se rappelant la triste fin de vie de M. Vinteuil, tout absorbée d’abord par les soins de mère et de bonne d’enfant qu’il donnait à sa fille, puis par les souffrances que celle-ci lui avait causées; elle revoyait le visage torturé qu’avait eu le vieillard tous les derniers temps; elle savait qu’il avait renoncé à jamais à achever de transcrire au net toute son œuvre des dernières années, pauvres morceaux d’un vieux professeur de piano, d’un ancien organiste de village dont nous imaginions bien qu’ils n’avaient guère de valeur en eux-mêmes, mais que nous ne méprisions pas parce qu’ils en avaient tant pour lui dont ils avaient été la raison de vivre avant qu’il les sacrifiât à sa fille, et qui pour la plupart pas même notés, conservés seulement dans sa mémoire, quelques-uns inscrits sur des feuillets épars, illisibles, resteraient inconnus; ma mère pensait à cet autre renoncement plus cruel encore auquel M. Vinteuil avait été contraint, le renoncement à un avenir de bonheur honnête et respecté pour sa fille; quand elle évoquait toute cette détresse suprême de l’ancien maître de piano de mes tantes, elle éprouvait un véritable chagrin et songeait avec effroi à celui autrement amer que devait éprouver Mlle Vinteuil tout mêlé du remords d’avoir à peu près tué son père. « 🔊✎
← Certes, dans les habitudes de Mlle Vinteuil l’apparence du mal était si entière qu’on aurait eu de la peine à la rencontrer réalisée à ce degré de perfection ailleurs que chez une sadique; c’est à la lumière de la rampe des théâtres du boulevard plutôt que sous la lampe d’une maison de campagne véritable qu’on peut voir une fille faire cracher une amie sur le portrait d’un père qui n’a vécu que pour elle; et il n’y a guère que le sadisme qui donne un fondement dans la vie à l’esthétique du mélodrame. 🔊✎