réveiller

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C’est l’instant le malade, qui a été obligé de partir en voyage et a coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. 🔊

Mais quand mes angoisses étaient calmées, je ne les comprenais plus; puis demain soir était encore lointain; je me disais que j’aurais le temps d’aviser, bien que ce temps-là ne pût m’apporter aucun pouvoir de plus, qu’il s’agissait de choses qui ne dépendaient pas de ma volonté et que seul me faisait paraître plus évitables l’intervalle qui les séparait encore de moi. ... C’est ainsi que, pendant longtemps, quand, réveillé la nuit, je me ressouvenais de Combray, je n’en revis jamais que cette sorte de pan lumineux, découpé au milieu d’indistinctes ténèbres, pareil à ceux que l’embrasement d’un feu de Bengale ou quelque projection électrique éclairent et sectionnent dans un édifice dont les autres parties restent plongées dans la nuit: à la base assez large, le petit salon, la salle à manger, l’amorce de l’allée obscure par arriverait M. Swann, l’auteur inconscient de mes tristesses, le vestibule je m’acheminais vers la première marche de l’escalier, si cruel à monter, qui constituait à lui seul le tronc fort étroit de cette pyramide irrégulière; et, au faîte, ma chambre à coucher avec le petit couloir à porte vitrée pour l’entrée de maman; en un mot, toujours vu à la même heure, isolé de tout ce qu’il pouvait y avoir autour, se détachant seul sur l’obscurité, le décor strictement nécessaire (comme celui qu’on voit indiqué en tête des vieilles pièces pour les représentations en province), au drame de mon déshabillage; comme si Combray n’avait consisté qu’en deux étages reliés par un mince escalier, et comme s’il n’y avait jamais été que sept heures du soir. 🔊

Malheureusement, ayant pris l’habitude de penser tout haut, elle ne faisait pas toujours attention à ce qu’il n’y eût personne dans la chambre voisine, et je l’entendais souvent se dire à elle-même: «Il faut que je me rappelle bien que je n’ai pas dormi» (car ne jamais dormir était sa grande prétention dont notre langage à tous gardait le respect et la trace: le matin Françoise ne venait pas «l’éveiller», mais «entrait» chez elle; quand ma tante voulait faire un somme dans la journée, on disait qu’elle voulait «réfléchir» ou «reposer»; et quand il lui arrivait de s’oublier en causant jusqu’à dire: «Ce qui m’a réveillée» ou «j’ai rêvé que», elle rougissait et se reprenait au plus vite). 🔊

Il faisait à peine assez clair pour lire, et la sensation de la splendeur de la lumière ne m’était donnée que par les coups frappés dans la rue de la Cure par Camus (averti par Françoise que ma tante ne «reposait pas» et qu’on pouvait faire du bruit) contre des caisses poussiéreuses, mais qui, retentissant dans l’atmosphère sonore, spéciale aux temps chauds, semblaient faire voler au loin des astres écarlates; et aussi par les mouches qui exécutaient devant moi, dans leur petit concert, comme la musique de chambre de l’été: elle ne l’évoque pas à la façon d’un air de musique humaine, qui, entendu par hasard à la belle saison, vous la rappelle ensuite; elle est unie à l’été par un lien plus nécessaire: née des beaux jours, ne renaissant qu’avec eux, contenant un peu de leur essence, elle n’en réveille pas seulement l’image dans notre mémoire, elle en certifie le retour, la présence effective, ambiante, immédiatement accessible. 🔊

De grilles fort éloignées les unes des autres, des chiens réveillés par nos pas solitaires faisaient alterner des aboiements comme il m’arrive encore quelquefois d’en entendre le soir, et entre lesquels dut venir (quand sur son emplacement on créa le jardin public de Combray) se réfugier le boulevard de la gare, car, que je me trouve, dès qu’ils commencent à retentir et à se répondre, je l’aperçois, avec ses tilleuls et son trottoir éclairé par la lune. 🔊

Une de ces nuits qui suivirent l’accouchement de la fille de cuisine, celle-ci fut prise d’atroces coliques; maman l’entendit se plaindre, se leva et réveilla Françoise qui, insensible, déclara que tous ces cris étaient une comédie, qu’elle voulait «faire la maîtresse». 🔊

Et si je demandais: «Connaissez-vous les Guermantes?», Legrandin le causeur répondait: «Non, je n’ai jamais voulu les connaîtreMalheureusement il ne le répondait qu’en second, car un autre Legrandin qu’il cachait soigneusement au fond de lui, qu’il ne montrait pas, parce que ce Legrandin-là savait sur le nôtre, sur son snobisme, des histoires compromettantes, un autre Legrandin avait déjà répondu par la blessure du regard, par le rictus de la bouche, par la gravité excessive du ton de la réponse, par les mille flèches dont notre Legrandin s’était trouvé en un instant lardé et alangui, comme un saint Sébastien du snobisme: «Hélas! que vous me faites mal, non je ne connais pas les Guermantes, ne réveillez pas la grande douleur de ma vieEt comme ce Legrandin enfant terrible, ce Legrandin maître chanteur, s’il n’avait pas le joli langage de l’autre, avait le verbe infiniment plus prompt, composé de ce qu’on appelle «réflexes», quand Legrandin le causeur voulait lui imposer silence, l’autre avait déjà parlé et notre ami avait beau se désoler de la mauvaise impression que les révélations de son alter ego avaient produire, il ne pouvait qu’entreprendre de la pallier. 🔊

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